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Passion Provence
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  • Bienvenue chez moi à Trans en Provence dans le Var. Je vous invite à la découverte de la Provence et du Var en particulier à travers son histoire, son patrimoine, ses traditions, ses coutumes, ses légendes, etc...
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24 mars 2024

La campagne, des bois aux champs (1ère partie)

 

 

Le XIXème siècle a son terme à été rude. Les crises, la maladie du ver à soie, celle de la vigne, la concurrence, en ont découragé plus d'un. Et les hommes vieillissent. Les jeunes s'en vont tandis que se vident les berceaux. Les champs abandonnés, les friches s'étendent. Maigres taillis et rares futaies, chênes et pins, cistes (messugues) et genêts, bruyères et ronces, garrigues et maquis, landes et terres "gastes" (terrains pauvres, peu fertiles), mangent le paysage 200 000 hectares de terres cultivées et guère plus de forêt en 1873, mais respectivement 150 000 ha et 300 000 ha un demi-siècle plus tard. Ces nouveaux espaces sauvages, moins parcourus et moins disputés que jadis, restent bien utiles et même indispensables pour beaucoup. Les moins chanceux y prélèvent de précieuses ressources. Herbes et plantes aromatiques, champignons, escargots, parfums et gloires de la cuisine rustique, sont recherchés, parfois vendus sur le marché du village ou de la ville avec le cade, apprécié pour ses vertus thérapeutiques, et quelques fagots pour allumer le feu. Les austères pays du Haut-Var récoltent la lavande, distillée sur place ou vendue aux parfumeurs de Grasse. De l'automne au printemps, les bouscatiers peinent dans les coupes. Ils sont venus nombreux d'Italie et sont renforcés l'hiver par des paysans du haut pays alors peu occupés par les travaux des champs.

 

 

Les charbonniers, eux, construisent leur "motte" fragile avec soin et précision. La qualité de la cuisson doit tout à leur art. De Rians à Comps, Fayence et Montauroux, on va, au printemps, piquer la "rusque" (écorce de chêne-liège) en famille, par villages entiers. Les baliveaux de chênes-lièges coupés, leur écorce incisée tout du long, délicatement martelée, se détache. Séchée puis broyée dans le moulin à tan, elle livre son précieux extrait, longtemps indispensable à la préparation des cuirs.

 

 

Moulin à tan (Photo Nadine-Musée des ATP à Draguignan)

 

Depuis la fin du XIXème siècle cependant, des produits "chimiques" sont en passe de ruiner le tan varois. L'été, les suberaies (forêts de chênes-lièges) des Maures et de l'Estérel s'animent. Les rusquiers s'affairent au démasclage (liège mâle) et au levage (liège femelle) de l'écorce du chêne, naguère grande richesse du pays. Une incision circulaire à la naissance des branches, une autre à la base du tronc, deux fentes en long, un léger martelage de chaque côté, et, sous la poussée du fer glissé entre la "mère" et l'écorce, le liège vient.

 

 

L'arbre est déshabillé par plaques, sur une dizaine d'années. Coupé en "planches", raclé à l'herminette, le liège est transporté jusqu'à l'usine voisine, tâche malaisée dans ce pays coupé de profonds ravins. Et comme il faut encore compter avec la rude concurrence de l'Afrique du Nord, de l'Espagne, de l'Italie, bien des abandons se sont produits. Ici et là, des chercheurs de trésors étranges sont à l'œuvre. Ceux-là, à Vérignon, à Aups, à Ampus, dans le canton de Comps, à Mons encore, se cachent et taisent le secret de gîtes mystérieux où, au pied des chênes, dort la truffe incomparable. Guidés par le flair du cochon ou le vol de la mouche dorée, ils partent à la chasse au trésor dans la froidure hivernale du haut pays. Mirage prestigieux qui pousse "au cul du cochon" des gens "sérieux", des notables, et jusque dans la région d'Hyères. Ceux-ci moins passionnés, fouillent le sol pour extraire des racines : racines de bruyères pour les fabriques de pipes de Cogolin, racines de buis dans la région d'Aiguines pour les tourneurs du village.

 

 

Mais les rois de ces contrées, ce sont les chasseurs et la braconniers. Dès l'ouverture de la chasse, les bois pétaradent sans arrêt ou presque : grives (tourdres) et perdrix (bartavelles), cailles et bécasses, oiseaux divers, gibier d'eau des marécages côtiers de l'Argens et du Gapeau, lièvres et sangliers connaissent des temps difficiles. Car ici tous les hommes dignes de ce nom sont chasseurs. Les plus habiles d'entre eux accèdent à la gloire, du moins locale. Au sommet, le chasseur de sangliers dépasse les autres par la noblesse de son art, aux règles précises qui distribuent les rôles et partagent les honneurs. La bête repérée, les tireurs sont postés. Chiens et rabatteurs lancent la chasse. Le sanglier abattu, après avoir posé pour la postérité si le photographe est là, se déroule le partage ritualisé et codifié : la tête va au tueur, le reste est découpé en lots tirés au sort. Tout se termine  par une de ces ribotes réservées aux hommes, qui rompt avec le quotidien et consacre un temps de marginalité sociale où l'on mange, où l'on parle, où l'on se tient autrement. Les nouveaux apprennent et les anciens se remémorent des histoires de chasse, grosses de secrets pour les initiés et de gloriole pour les profanes. Tout un imaginaire de la chasse se raconte et s'enrichit, bien inscrit au cœur de la culture, du temps et de l'espace villageois. Car chasser c'est apprendre et retrouver, connaître et vivre, les terres et les bois, les bêtes et les gens. Le temps de la chasse, c'est encore celui du corps et du terroir. Aussi, le plus doué est-il l'honneur du pays, qui reconnaît en lui sa plus belle image.

 

 

C'est Maurin des Maures, le "légendaire" chasseur-braconnier, libre parce que marginal, vainqueur modèle parce que maître de son espace, héros rêvé devenu mythe vénéré (héros du roman de Jean Aicard inspiré d'Aristide Fabre). Mais pour les simples mortels, cette masse de petits paysans propriétaires, il faut bien travailler la terre pour gagner sa vie. De ce côté-là, la géographie et l'histoire ont décidé. L'eau rare, les terroirs morcelés, les sols minces, l'ouverture au marché national ont dicté l'orientation : la vigne et les cultures délicates seules rapportent désormais. Certes, l'antique héritage agricole n'a pas disparu. Sur les terres sèches des plateaux et des plaines, au flanc des coteaux, on sème toujours la tuzelle (touselle : blé tendre) chère aux poètes varois, toujours vaillante malgré l'assaut des variétés modernes. Les oliviers, le noble cayon, mûrissent leurs fruits. Les moutons hantent les chaumes et les bois.

 

 

Les avérages (bétails menus : ovins ou caprins) conduits par leurs pastres, suivis de leur âcre parfum, montent au printemps vers les alpages, escortés de sonnailles et noyés de poussière. Ils redescendent pour la Saint-Martin et les ancestrales drailles retournent au calme de l'attente. Certaines n'en sortiront plus. Car, depuis la fin du Second Empire, ces antiques richesses ont beaucoup souffert. Le blé produit trop peu et ne rapporte plus rien. Les huiles locales, même les plus réputées, celles de Lorgues ou de Solliès, résistent de plus en plus mal à la concurrence des rivales "exotiques" (arachide), étrangères (Italie, Espagne, coloniales (Tunisie), des produits nouveaux (pétrole) ou trafiqués. Partout des prix de misère... Les troupeaux de moutons se réduisent. Laine et viande viennent d'ailleurs. Dans les bois et sur les landes, au long des routes et des drailles, ils se font plus rares, sauf dans quelques secteurs fidèles comme les pays de Comps qui élèvent aussi des mulets. Seul bénéfice : leur nourriture, naguère source de bien des soucis et de pas mal de conflits, n'en pose plus beaucoup.

 

Source : D'après le livre "Le Var autrefois" - Yves Rinaudo - Editions Horvath

 

Cet article sera suivi d'une deuxième partie.

 

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Commentaires
B
j'ai lu le second épisode avant le premier, mai li fa pas ren!
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