Le colporteur
Chaque année entre la Toussaint et Pâques, les colporteurs venant des vallées les plus reculées des Alpes comme le Queyras ou l'Ubaye, allaient de village et village, leur mallette en bandoulière, et proposaient leur marchandise. Bons marcheurs, ils avaient la vie rude mais ils étaient toujours accueillis avec joie, apportant aux villageois bien des produits nécessaires à la vie quotidienne. Herbes médicinales, onguents, colifichets, almanachs, lunettes, images pieuses ou images d'Epinal et surtout des articles de mercerie : tissus, broderies, rubans, dés à coudre, aiguilles, fils, ciseaux. Ils renouvelaient leur stock au gré des foires et connaissaient bien les goûts de leurs clientes. Ils colportaient également les nouvelles et les cancans d'un village à un autre (d'où le verbe "colporter"). Les beaux jours venus, ils rentraient chez eux et reprenaient les travaux des champs jusqu'à l'automne suivant. Mais ce labeur ni sûr (ils se faisaient parfois dépouiller chemin faisant), ni confortable (ils dormaient ça et là dans les granges ou sous les ponts, et l'hiver chacun sait que le vent souffle en Provence) s'éteignit peu à peu avec l'apparition des grands magasins et les ventes par correspondance, l'amélioration des voies et des moyens de circulation. Les derniers colporteurs disparurent à tout jamais de nos campagnes entre les deux guerres mondiales.
Source : D'après l'Almanch provençal 2013 - Editions Jeanne Laffitte.
Le colportage des livres
Attesté dès le XVIe siècle, le colportage des livres prospéra jusqu'au XVIIIe siècle malgré une législation répressive. Des merciers ambulants se sont peu à peu spécialisés dans la vente de livres, passant dans les maisons, les cabarets, les cafés ou installant leur étalage dans la rue. Rendu libre par la Révolution, le colportage fut plus contrôlé sous la Restauration et le second Empire. Moyennant ces conditions, on estime officiellement le nombre des livres ainsi diffusés à 9 millions d'exemplaires. Un fait commercial devint ainsi un fait culturel, doublement marginal à la culture dominante, mais dont il est difficile de mesurer l'impact exact. Au XVIIe siècle, les clients étaient des lettrés, gens de robe, propriétaires terriens, marchands, nobles. Peu à peu, ils se diversifièrent et, au XVIIIe siècle, le colportage pénétra chez les paysans : ceux qui savaient lire suffisamment faisaient la lecture à la veillée. En même temps, il s'étendit davantage dans les villes parmi les artisans et compagnons. Au XIXe siècle, parallèlement aux petits opuscules de la "Bibliothèque bleue", le fond de colportage s'augmenta de volumes plus importants, mais toujours de mauvaise qualité. Par leur prix (un franc et plus), ces livres ne purent cependant atteindre que la petite et moyenne bourgeoisie, tandis que la "Bibliothèque bleue", avec ses petits opuscules à quatre sous, demeurait l'apanage du petit peuple de culture souvent orale. Le colporteur proposait des livres de piété, mais aussi d'enseignement, à l'usage des écoles (psautiers, vie de Jésus, vies des saints, cantiques, des A. B. C., des Livres d'arithmétique élémentaire). À côté de ceux-ci l'on trouvait aussi des ouvrages de magie, tels la Fabuleuse Explication des songes, le Grand Albert et le Petit Albert, le Miroir d'astrologie, l'Art de tirer les cartes, etc. Le premier ouvrage technique, imprimé dès le XVe siècle, est le Calendrier des bergers, ancêtre des almanachs et des encyclopédies. À partir du XVIe siècle apparurent des conseils relatifs à la culture (Histoire générale des plantes et herbes, le Jardinier français) ou à la médecine vétérinaire (le Maréchal expert, la Guérison des bestiaux). Le colportage proposait aussi des modèles de correspondance, comme le Secrétaire français, le Secrétaire des dames, les Fleurs du bien-dire, et même un Jardin de l'honnête amour, manuel de correspondance destiné aux amoureux.
Source : D'après le site Lafousse.fr