Les confréries de pénitents
Les pénitents étaient des fidèles qui, dans les provinces méridionales se regroupaient en confréries pour remplir certains devoirs de dévotion et de charité, comme de chanter dans les offices divins dans une chapelle qui leur était propre, d'ensevelir les morts, d'assister les malades, de faire des processions... Ces pénitents étaient revêtus de blanc, de noir (ceux-ci étaient les plus répandus), de rouge, de violet, de bleu, de gris (les plus humbles).
Les premières confréries de pénitents apparaissent à la charnière du XIIe et XIIIe siècle (par exemple, celle des pénitents blancs de Montpellier remonte à 1230). Elles sont nées de la dévotion des fidèles laïcs eux-mêmes, sans être une institution ecclésiale, même si, plus tard, les évêques se soucièrent de leur existence. Avec le temps, elles connurent une grande extension en prenant la suite des confréries que suscitèrent au XIIIe siècle Saint François d'Assise, Saint Dominique et les Ordres mendiants.
Elles avaient certains traits communs avec les compagnies de flagellants (1), d'autres aux tiers-ordres franciscains, mais leur grand essor date plutôt des guerres de religion et du temps de la contre-réforme.
Très souvent, la confrérie unique était une confrérie de pénitents blancs. Ensuite, s'il y en avait plusieurs, c'étaient des noirs, des rouges, etc... Les pénitents noirs se trouvaient surtout en Picardie et dans le nord de la France, les pénitents bleus, en Languedoc et dans le Dauphiné, les pénitents blancs à Lyon et en Avignon, sans cependant que ces couleurs soient normatives de la région. Au XVIIe siècle, dans le département du Var actuel, sur 129 confréries, on recensait 84 blanches, 19 noires, 8 bleues, et 7 grises. A Toulon, la confrérie de saint Eloi regroupait les maîtres serruriers, les couteliers, les chaudronniers, les maréchaux-ferrant, les lanterniers, les fondeurs et les selliers.
A l'occasion de la fête du saint patron de la confrérie, cette association religieuse, fraternelle et caritative se rendait en procession à l'église ou à la chapelle qui était la sienne. La Provence en conserve de merveilleuses qui méritent toutes que l'on y fasse un détour.
Les titres les plus fréquents qui leur étaient attribués étaient des noms de saints ou des titres du culte marial. C'est ainsi qu'il y eut les confréries de Notre-Dame, de Saint-Jean, de Saint-Roch, de Saint-Sébastien, de Saint-Antoine, de Saint-Eloi, de Saint-Pons, du Saint-Esprit, etc... L'égalité entre pénitents se marquait par le port de l'habit de pénitent. Pour défiler en public, lors des cérémonies religieuses, ils revêtaient une robe, appelée parfois aussi chemise, froc ou sac, surmontée d'une cagoule (dans un souci de modestie individuelle) percée seulement de deux trous pour les yeux. Chaque membre porte une corde en guise de ceinture, symbole d'obéissance aux commandements de Dieu, aux exigences de la foi chrétienne, aux statuts de la confrérie, et aux ordres du prieur, lequel est démocratiquement élu par une assemblée générale annuelle. Plus tard, lorsque les femmes créeront leurs propres confréries féminines ou lorsqu’elles seront agrégées aux confréries masculines, elles porteront une mantille en lieu et place de la cagoule. La règle habituelle des confréries était l'anonymat des membres. Les pénitents se considéraient comme des frères, sur un même pied d'égalité, que les nobles, bourgeois, artisans, ouvriers. De toutes les obligations de charité, la principale, la plus suivie était celle qui s'exerçait à l'occasion d'obsèques. Les pénitents s'obligeaient à porter en terre leurs confrères décédés et s'engageaient souvent à enterrer gratuitement les indigents et les suppliciés. Mieux encore, ils acceptaient de figurer moyennant paiement, au cortège funèbre des profanes qui voulaient procurer plus de lustre à la cérémonie. Dévotion, moralisation, pratique enfin du devoir de charité, soins aux malades, orphelinat, mont-de-piété, tels étaient les buts de l'institution des pénitents. C'est au XVIIIe siècle que l'on vit la décadence de cette institution et sa suppression à la Révolution.
Cependant, de nos jours certaines confréries subsistent toujours. Leurs processions sont devenues parfois de véritables spectacles folkloriques qui attirent les foules, à Sartène en Corse, comme à Séville en Espagne. Ce qui ne veut pas dire que les membres de ces confréries n'en vivent pas les buts essentiels et ne les mettent pas en pratique. D'autres se sont renouvelées, ont même retrouvé ce qui était leur raison d'être ; être des associations de laïcs chrétiens, proches de leurs concitoyens, vivant ainsi une fraternité évangélique toute simple. Il existe encore de nombreuses confréries dans le sud de la France, Côte d'Azur (anciennement comté de Nice), Pays catalan, Corse, Espagne et Italie.
(1) Flagellants : membres de confréries qui se livraient à la flagellation (mortification) au XIIIe siècle. Ils furent interdits au XIVe siècle.
Source : Article inspiré par un chapitre consacré aux pénitents dans le Livre sur Les Arcs sur Argens - Du passé au présent - Association "Les amis du Parage" - Février 2005.