La légende de la fondation de Marseille
La calanque du Lacydon, futur Vieux Port dans la configuration trouvée par les Grecs il y a plus de 2600 ans
Six cents ans avant Jésus-Christ, les Ségobriges, tribu salienne qui occupait le littoral à l'Est du Rhône, vivaient pauvrement de pêche et de chasse. Ils ignoraient l'écriture, l'usage de la monnaie et l'art de construire des villes, mais commerçaient depuis fort longtemps avec les navigateurs grecs. Ceux-ci venaient en Occident pour en rapporter des métaux précieux, notamment l'étain, qui était alors aussi indispensable que le pétrole de nos jours. Mais ils venaient aussi chercher le sel, car les côtes orientales de la Méditerranée, trop profondes, n'en facilitaient pas la production. Le nom même de Saliens, qui n'a pas une consonnance ligure, évoque sans doute "les hommes du sel".
Pour couvrir leurs expéditions, les Grecs établirent des comptoirs : Enserune sur la côte du Languedoc, Saint-Blaise au-dessus de l'étang de Berre, enfin Massalia qui signifie peut-être : Mas des Saliens.
Selon l'historien romain Justin (Marcus Junianus Justinus) "ce fut en l'an 600 avant Jésus-Christ que le premier vaisseau phocéen jeta l'ancre sur la côte gauloise, à l'Est du Rhône, où devait être fondée Marseille". La légende prétend que ces Phocéens, conduits par Protis sous la protection d'Artémis, la grande déesse d'Ephèse aux dix-huit mamelles, débarquèrent sur les rives du Lacydon (le futur Vieux-Port) le jour même où Nann, roi des Ségobriges allait marier sa fille prénommée Gyptis.
Toile d'Anne-Marie Avon Capana réalisée en 1999, pour les 2600 ans de la naissance de la cité phocéenne. Tableau où elle met en scène la légende de Gyptis et Protis.
Gyptis, princesse des Ségobriges accueillant les Phocéens. Illustration de l'Histoire populaire de la France de Victor Duruy, ministre de l'Instruction publique sous le Second Empire.
La coutume voulait alors que la fiancée désignât elle-même l'heureux élu en lui tendant une coupe de vin à l'issue d'un banquet rituel. Les navigateurs phocéens furent amicalement invités à ce banquet ; à la fin de celui-ci, Gyptis eut un coup de foudre et tendit la coupe à Protis. Comme la fille était jolie et le père puissant, le jeune capitaine accepta le mariage. En cadeau de noces, Nann fit don aux nouveaux époux d'une bande de littoral sur laquelle Protis fonda cette ville qui au fil des siècles allait devenir Marseille. La colonie comprenait alors, au Nord et à l'Est d'une crique hospitalière, le Lacydon, des marécages (devenus La Joliette et la Canebière), une butte inaccessible de la mer (actuel Saint-Laurent) et quelques terres pauvres délimitées par les collines proches. Les marins grecs y acclimatèrent avec un plein succès la vigne et l'olivier. Le premier soin de Protis fut de placer en évidence les statues des dieux qui lui avaient accordé une si heureuse destinée. Il éleva le temple d'Artémis sur la butte des Moulins, face aux barbares de l'intérieur (la Butte des Carmes s'appelait encore au Moyen Age Rocca barbara), tandis que celui d'Apollon Dauphin, protecteur des marins, faisait face à la mer. Ce fut la grande prêtresse Aristachè qui, selon la tradition, se chargea du débarquement de la précieuse statue d'Artémis.
Fille de Zeus et de Léto, sœur aînée et jumelle d'Apollon, née dans l'île de Délos, la déesse Artémis d'Ephèse est la déesse de la fertilité, elle nourrit l'ensemble de l'humanité grâce à ses seins très nombreux et engorgés du lait divin..
Source : D'après un article du Guide de la Provence mystérieuse - Jean-Paul Clébert - 1986.