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Passion Provence
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  • Bienvenue chez moi à Trans en Provence dans le Var. Je vous invite à la découverte de la Provence et du Var en particulier à travers son histoire, son patrimoine, ses traditions, ses coutumes, ses légendes, etc...
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25 novembre 2022

Le torpilleur des rues

 

Torpilleur des rues

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Lorsque La Seyne (La Seyne-sur-Mer, près de Toulon) devint une cité urbaine, et qu'il fallut procéder chaque jour à l'évacuation des ordures et des vidanges des seaux d'aisance, on vit s'aligner sur les trottoirs devant chaque porte, les poubelles qui voisinaient avec les toupines. C'étaient des véhicules différents qui étaient chargés d'enlever le contenu de ces immondices. Ils ne circulaient pas tous aux mêmes heures et les toupines devaient être sorties juste avant le passage du torpilleur, c'est-à-dire, au petit matin, dès que l'aube pointait. Le ramassage des ordures ménagères s'effectuait au moyen d'un tombereau tiré par un cheval et l'employé affecté à ce travail ingrat, armé d'une énorme pelle plate et d'un balai de bruyère, avait pour tâche de vider les poubelles et enlever les petits tas d'ordures accumulés par les balayeurs de rue avant son passage. Le torpilleur, véhicule hippomobile au XIXème siècle, devint un engin motorisé au milieu du XXème siècle. Mais pourquoi l'appelait-on ainsi ? Probablement parce qu'on le fuyait comme un navire aurait fui face à la menace d'une torpille. La puanteur que répandait ce véhicule constituait une telle agression pour les narines qu'on le considérait comme un danger redoutable, surtout quand un piéton devait le croiser. Ce dernier était obligé d'appliquer un mouchoir sur son nez pour tenter de masquer l'odeur. On disait à ce moment là : "Attention, ça torpille !" On comprend aisément pourquoi ! Il arrivait parfois que pour éviter de rencontrer le terrible engin de collecte, des travailleurs ratent volontairement le départ du bateau ou du tramway qui les conduisait à leur atelier ou à leur bureau. Les toupines émaillées, couvertes d'un disque en bois ou en métal, portant un bouton sphérique sur le dessus, permettant de soulever le couvercle, attendaient sagement le passage de l'employé municipal qu'on entendait arriver de loin car il poussait des jurons caractéristiques. Son cheval n'allait jamais à la cadence qu'il aurait voulu qu'il aille. Parfois, des récipients avaient été renversés par des plaisantins, ce qui ajoutait à la colère du vidangeur et provoquait sa mauvaise humeur. Ou alors, des retardataires le hélaient, leur toupine à la main. Il leur répliquait sur un ton agressif : 

- Vous attendrez demain pour vider votre toupine !  

- Mais j'en ai qu'une moi de toupine. Comment voulez-vous que je fasse ?  

- Allez la vider vous-même chez Gamel alors !  

Pour la petite histoire, il faut savoir que les Gamel étaient des éleveurs de cochons établis au quartier de Saint-Jean. Propriétaires de vastes terrains agricoles situés entre la route d'Ollioules et l'hôpital, ils recevaient la vidange que l'on y épandait chaque jour. Les émanations qui se mêlaient à celles des porcheries n'avaient pas fait de ce quartier un endroit où l'on aimait flâner. D'où l'expression "Sènté Gamèou" qui signifie "ça sent Gamel" énoncée à chaque fois qu'une odeur nauséabonde s'élevait quelque part. C'était devenu systématique. Ce fameux torpilleur était un tonneau monté sur deux roues et avait une contenance de cinq cents litres environ. Il était coiffé d'un entonnoir volumineux, par lequel l'employé versait le contenu d'un gros seau rempli lui-même par le contenu de plusieurs toupines. Les mêmes gestes inlassablement répétés exigeaient des efforts physiques assez importants. Tous ces transferts ne pouvaient s'effectuer sans éclaboussures, surtout lorsque le mistral soufflait. On comprend pourquoi les passants devaient s'écarter pendant que l'homme effectuait les manipulations nécessaires à ce travail si délicat ! Ce dernier, malgré l'adresse dont il faisait preuve, ne pouvait s'empêcher de mettre ses vêtements dans un état terrible. Son pantalon en velours qui tombait en accordéon sur ses chaussures, son veston boutonné jusqu'au cou, son chapeau de feutre noir, le tout présentait un aspect peu ragoûtant et l'odeur qui s'en dégageait était infecte !

Torpilleur des rues 2

Et quand le gros tonneau que l'on appelait la boute (du provençal "bouta" : tonneau) s'ébranlait sur les pavés disjoints, des giclées du trop-plein s'échappaient par l'entonnoir pour venir s'écraser sur la chaussée. Si le cheval n'avait pas su éviter les trous profonds, le vidangeur furieux l'accablait d'injures. Ensuite les ménagères, les yeux gonflés de sommeil, venaient récupérer leur récipient. On assistait alors à des scènes de rues que nos grand-mères nous racontaient en riant. Ces dames s'approchaient délicatement de la toupine, en prenant garde où elles mettaient leurs pieds, tenant les pans de leur peignoir d'une main, et de l'autre une "escoubette", petit balai terminé par un hérisson de chiendent. Celles qui demeuraient à proximité d'une fontaine, y rinçaient leur toupine sans difficulté. Dans les rues les plus longues, il n'existait qu'un seul point d'eau à une extrémité, les ménagères qui en étaient le plus éloignées apportaient l'eau pour rincer leur toupine de l'intérieur de la maison. Après avoir nettoyé le récipient avec soin, elles le vidaient directement dans le ruisseau où le liquide stagnait pendant plusieurs jours. On imagine facilement alors ce que les rues pouvaient sentir mauvais et de plus les dangers de cette pratique. Cette eau croupie était un véritable foyer d'infections en tous genres ! 

Source : D'après un texte trouvé sur le site-marius-autran.com et arrangé par moi-même

Le torpilleur des rues-Toulon

Torpilleur

 

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Commentaires
R
Bonjour, j'ai découvert votre article, formidable, bravo ! Je vous demande si je peux le copier, utiliser les photos dans mon blog en vous mentionnant, je réalise des maquettes, et j'ai fait le torpilleur, pour cette raison, je souhaite accompagner par votre article . Je vous joints mon adresse de blog, http://maquettes-hippomobiles.over-blog.com/<br /> <br /> En espérant une réponse de votre part, je vous félicite une fois de plus. Bien cordialement ! René
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M
Intéressant. Dans les années 80 les fosses septiques étaient encore courantes et un jour, au cours d'une balade, j'ai découvert où les vidangeurs de Vierzon allaient vider leurs citernes : un trou gigantesque qui faisait comme un lac d’excréments... Je n'ai jamais réussi à savoir ce qu'il en advenait ensuite. Tout cela aurait pu être exploité (engrais par exemple, ou biogaz - le procédé était utilisé à l'échelle artisanale par un copain de mon père dans les années 40-50)... La gestion des déjections comme des détritus a toujours été un problème majeur qu'on a caché sous le tapis, et même encore aujourd'hui, ça laisse sérieusement à désirer. Je m'en fais l'écho régulièrement. N’empêche que ce qui est décrit là démontre un louable effort pour l'époque.
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G
Que de souvenirs ... Retour sur les escoubettes et les toupines, sur des rues plus nauséabondes, sur un temps moins COP21 ! <br /> <br /> Papa m'en parlait d'ailleurs dans mon enfance, saluant les progrès faits en matière ramassage/ordures.<br /> <br /> <br /> <br /> Je me souviens encore du tombereau tiré par un mulet, de la pelle plate, du fameux balai de bruyère et du cantonnier chargé du ramassage des ordures dans les années 50 à Roquebrune. On pendait une poubelle non normalisée - avions un vieux bidon d'huile récupéré chez le garagiste - à un crochet devant nos portes. Pas toujours très Chanel 5 dans nos rues .. Beaucoup d'ordures alimentaires "vertes" ou moins "vertes" étaient certes réservées pour les animaux. Moins de déchets qu'aujourd'hui, déjà moins d'emballages. Faisions pas mal de récupération, transformation .. on ne jetait pas beaucoup à vrai dire ..<br /> <br /> Les ordures étaient transportéess dans un enclos et le plus souvent brûlées. Pas terrible non plus par temps de mistral ..<br /> <br /> <br /> <br /> Merci Nadine pour cet artcile fort intéressant. Passé "torpillé" ...<br /> <br /> <br /> <br /> Bon dimanche<br /> <br /> <br /> <br /> Giselle
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L
Hé bein... quand mêrme c'est mieux de nos jours !! malgré que,pas toujours facile non plus.... Merci... je connaissais un peu ce système, si j'ose dire... mais je n'imaginais pas tout ce qu'il fallait subir, pauvre"cantonnier " et quelle corvées pour les ménagères.... On ne devrait pas trop se plaindre de ce côté là de nos jours...<br /> <br /> <br /> <br /> Bon, je me sauve.. Bon dimanche, il pleut, il faut de l'eau, pour nettoyer naturellement le torpilleur §§<br /> <br /> <br /> <br /> Pensées amicales..<br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> !
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N
Très instructif
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