Noël Blache, un personnage méconnu de l'histoire varoise
Noël Blache (1842-1920) a joué un rôle important dans l'histoire du Var sous la IIIe République, mais il reste cependant mal connu. Son nom est lié à la place qui porte son nom à Toulon, porte d'entrée du centre ville. Il fut l’un des chefs de file du parti radical de Toulon à la fin de l'Empire et l'un de ceux qui y ont proclamé la République en septembre 1870. Il en fut le président de la délégation municipale. C’est pourquoi le conseil municipal de Toulon tint à l’honorer, peu de temps après sa mort, le 7 mars 1920, en lui assignant l'un des lieux les plus significatifs de la ville. Mais il honorait en même temps celui qui, pendant longtemps, avait représenté la ville au Conseil général du Var qu’il avait présidé de 1883 à 1889.
Il était issu d'une vieille famille toulonnaise. Les Blache faisaient partie de ce milieu de bourgeois marqués par le bouillonnement utopiste de la première moitié du siècle. Ils appartenaient à une élite intellectuelle passionnée par les idées nouvelles et qui entendait participer à l'éducation du peuple pour en faire l'un des acteurs de la vie de la cité. Noël Blache avait hérité des brochures saint-simoniennes et fourriéristes de ses parents. Le socialisme romantique, le souvenir de l'insurrection varoise de 1851, Blache, comme le mouvement républicain varois, va en être marqué tout au long de son parcours. Son oeuvre littéraire en porte divers témoignages et sa vie politique se déroulera sous ce double patronage. Il fut le premier "vrai" historien de l'insurrection varoise. Son ouvrage ressort de ce que l'on appellerait aujourd'hui le devoir de mémoire, en même temps qu'il relève du combat politique. Blache a choisi son histoire, en même temps qu'il en a hérité, alors qu'il participe au combat politique aux côtés de certains des rescapés de l'aventure.
Mais ni l'épisode de 1870, ni le récit de 1851 ou les références qu'il y fait ne résument le personnage. Propriétaire de domaines, il est féru de modernité, s'intéressant à l'agronomie, aux techniques agricoles, à l'amélioration et aux transformations du monde agricole, alors que le phylloxera fait rage et détruit tout le vignoble méridional. Président de la Société d'agriculture, d'horticulture et d'acclimatation du Var, Blache croit aux vertus de l'organisation et pousse à la création de syndicats agricoles. Il participe aux grands mouvements viticoles de 1905 et 1907. Maire de Besse (sur Issole), il fait partie des maires qui, par solidarité, adressent la démission de leur conseil municipal au préfet. Il voudrait créer une coopérative à Besse et s'y attache dès qu'il est réélu à la fin de 1906. Il adhère également au mouvement félibre en 1883. Il reçoit même en 1885 Frédéric Mistral chez lui. Blache peut être considéré comme un félibre "rouge", d'autant que son engagement se combine avec un fédéralisme qui vient sans doute droit du socialisme utopique qui l'a marqué. Affirmation identitaire, l’usage du provençal est aussi un exutoire, il permet de dire, au moins en parole, plus rudement les choses que l’on ressent, surtout quand il s'agit de ressentiments.
Avec ses contradictions, l'homme a des convictions et des principes. Il correspond certainement à une façon de faire, de penser, d'exprimer la politique, une façon que le réalisme cynique ou l'idéologisme peuvent trouver dépassée ou archaïque. Après avoir été radical puis "opportuniste", Blache se dit "socialiste indépendant". Soucieux d’une action concrète, guidée par la raison, la science et une doctrine, Blache exprime sa pensée dans un ouvrage intitulé Le socialisme, méthode et chimère en 1907. Blache est l’homme d’une tradition qui, avec ses faiblesses et ses qualités, a marqué plus d’un siècle notre région.
Source : D'après "1851 une insurrection pour la République" - Noël Blache, une figure de la tradition républicaine varoise - de l'historien Jean-Marie Guillon.