Les moulins à huile dans le Var
En 1844, on compte 485 moulins à huile dans le département du Var. "Le moulin à huile se compose de trois parties : 1/ La salle d’extraction, où se trouvent le broyeur, la presse, l’appareil à eau chaude et les enfers. 2/ L’estive ou salle de repos des huiles extraites, où l’on emmagasine les huiles des propriétaires jusqu’à ce que ceux-ci puissent venir les chercher. 3/ L’écurie, où se trouvent les chevaux ou mulets employés aux appareils extracteurs". (Latière, H. 1904).
(Nota : les chevaux ou les mulets sont employés dans les moulins dits moulins à sang. De la poutre ou pivot central part un levier qui permet d’atteler l’animal, celui-ci circule autour du socle du broyeur, entraînant la rotation de la meule).
Il ne faut pas oublier non plus à l'intérieur du moulin, une pièce destinée au stockage des olives apportées par les propriétaires avant de procéder à la trituration de celles-ci. Après le stockage, l’opération suivante est le broyage ou trituration. Pour cela, on utilise un broyeur composé d’un socle en maçonnerie sur lequel une pierre circulaire de forte épaisseur (meule dormante), est posée à plat. Au milieu, un trou dans lequel se loge l’axe d’une poutre de bois verticale, qui porte sur le côté une meule de grande dimension (meule tournante). Cette meule effectue une rotation sur elle-même lorsque la poutre de bois est mise en mouvement. Le canal formé par les deux meules dans lequel les olives sont jetées est appelé "mare" ou encore "conque". Il est certain qu’au bout de quelques tours de meule on ne voit plus d’olives entières. Une fois écrasées, il faut récupérer la pâte formée par le broyage des olives pour la transporter et la mettre sous presse.
J'ai pris ces deux photos sur le site de Tourtour
http://tourtour.village.free.fr
Pour ce faire, on utilise des scourtins ou cabas qui sont des sortes de sacs en sparterie ayant la forme d’un béret. Ces scourtins étaient fabriqués au moyen de fibres diverses : alfa, coco, chanvre, crin, aloès, etc... En 1904, H. Latière écrit : "Les scourtins neufs colorent l’huile et lui communiquent une saveur spéciale, usagés, il faut avoir bien soin de les nettoyer et de les tenir d’une propreté absolue, car ils prennent très facilement un goût de rance qui se communique à l’huile". Dès 1911, J. Ruby proposera l’utilisation de scourtins ayant la forme d’un disque simple. Cela est aujourd’hui en pratique dans tous les moulins ayant encore des presses traditionnelles, la fibre utilisée étant conforme aux normes européennes. La presse est un élément indispensable dans un moulin. C’est là que l’on va mettre en pile les scourtins une fois remplis. La pression va permettre l’écoulement du liquide contenu dans la pâte d’olives, qui est un mélange d’huile et d’eau de végétation. Pour exécuter une forte pression, on utilisait dans l’Antiquité des pressoirs à levier et des pressoirs à vis centrale (la pression est exercée sur la pile de scourtins par une ou deux vis). C’est ce dernier système qui connaîtra au début du XXème siècle le plus de modernisation.
Au XVIIIème siècle, la construction caractéristique des "chapelles", logement des presses dans un mur aménagé à cet effet, va se répandre dans le Var. Dans l’épaisseur des murs des moulins ont été façonnées des niches voûtées. Au pied de chaque niche se trouve une maie rectangulaire, au bas de la voûte, sur les côtés, un renfoncement pour loger la poutre recevant la vis, au sommet de la voûte un trou pour que la vis puisse monter au maximum, sur les côtés, une rainure dans laquelle glissera la planche posée entre les scourtins et la tête de la vis. A la fin du XIXème siècle, les industriels de la métallurgie proposent des presses entièrement en métal avec des systèmes démultiplicateurs facilitant le pressage. Puis enfin, l’arrivée de la presse hydraulique supprimera ce travail épuisant.
Le jus des olives, mélange d’eau de végétation (60 à 65%) et d’huile (20 à 25%) coule de la presse vers un ou plusieurs cuviers. Après quelques instants de repos, les deux liquides se séparent naturellement et avec une casserole ou une plaque ronde en fer blanc appelée "feuille", on enlève la matière grasse. Dans tous les moulins à huile de la contrée, l’huile vierge, soit, celle que l’on obtient sans l’emploi d’eau bouillante est recueillie dans des baquets mobiles qu’on place sous l’appareil de pression, et l’huile entraînée par la seconde pression avec le secours de l’eau bouillante est recueillie dans les mêmes baquets et versée avec l’eau dans des cuviers ou par le repos elle monte à la surface. Cette séparation exige un certain laps de temps après lequel les eaux du cuvier s’écoulent dans des réservoirs connus sous le nom d’enfers. Les enfers sont de grands bassins en maçonnerie placés en cascade, souvent situés à l’extérieur. Ces bassins, de trois à six, voire davantage selon l’importance du moulin, recueillent les eaux grasses : eau de végétation, eau ayant servi au nettoyage des scourtins et des ustensiles. Ces eaux chargées de matière huileuse vont lentement se décanter, le moulinier pourra ainsi prélever pour son compte cette huile non consommable, mais recherchée par les industries (savonneries par exemple).
Source : D'après "L’olivier en terre varoise" – Yves Fattori – Edisud.