Faire "Fanny" ou "embrasser Fanny"
L'expression "Embrasser Fanny" est utilisée lors d'une partie de boules que ce soit le jeu provençal ou la pétanque lorsque le score final est de 13 à 0. Le perdant ou l'équipe perdante doit alors embrasser le postérieur dénudé et rebondi d'une représentation féminine, sous forme de tableau, de sculpture, de poterie, dénommée Fanny. Les expressions "faire Fanny", "baiser Fanny", "être Fanny" sont équivalentes et peuvent être utilisées dans d'autres activités comme par exemple le baby-foot ou encore le ping-pong.
Aujourd'hui, ces représentations se rencontrent davantage chez les antiquaires et les brocanteurs que dans les bars et cafés où se réunissent traditionnellement les boulistes. Mais tous les clubs boulistes en conservent une à leur siège et cette icône fait partie de leur patrimoine. C'était à l'origine en fait tout à la fois une récompense et une honte pour l'équipe perdante mais toujours une franche rigolade pour les spectateurs. "Embrasser Fanny", c'est l'image effrayante de la défaite, la preuve horrible qu’on a été battu, et pas seulement battu, mais vaincu lamentablement, l'humiliation totale et complète : perdre par 13 à 0, il faut le faire !
La tradition voudrait lui trouver une origine dans le Dauphiné où une Fanny aurait été serveuse dans un café du village de Grand-Lemps, peu avant la Première Guerre mondiale. Ce fut le maire du village qui inaugura cette pratique, mais des cartes postales précédant cette période montrent déjà Fanny et son postérieur offert. Certains la voient d'origine lyonnaise puisque la petite histoire du quartier de la Croix-Rousse dit que, dès 1870, les joueurs du Clos Jouve, haut lieu de la boule lyonnaise avaient comme spectatrice une jeune fille de vingt ans au grand cœur, Fanny Debriand, un peu simplette, sale et mal fagotée, dormant souvent dans la rue. Elle faisait le désespoir de ses parents, qui tenaient une herboristerie dans le quartier de la Croix-Rousse, à Lyon, incapables de la contrôler. Contre une pièce, elle consolait le joueur malheureux en lui montrant ses fesses, mais n'acceptait pas le baiser. De nos jours, une friponne statue de bronze représentant la Fanny rappelle ce passé aux boulistes du Clos-Jouve.
Toutefois, la pratique, sinon l'expression, existait déjà bien avant. En effet, Philibert Joseph Le Roux, dans son Dictionnaire comique de 1718, indique : "Baiser le cul de la vieille : manière de parler usitée à Paris, se dit ordinairement au jeu du billard et autres jeux, signifie ne faire pas un seul point, perdre sans avoir pu gagner ni prendre un point". D'ailleurs, dans certains villages, on disait autrefois à ceux qui allaient à la ville pour la première fois qu'ils seraient arrêtés aux barrières pour "baiser le cul de la vieille", et qu'ils ne pourraient entrer qu'après avoir rempli cette formalité. La même plaisanterie courait sur les bords de la Saône et dans chaque port où l'on débarquait pour la première fois. Carl Friesland fait remonter l'origine de l'expression au Moyen Âge, à la très scatologique Chanson d'Audigier écrite à la fin du XIIème siècle ou au début du XIIIème dans laquelle le comte Turgibus, seigneur d'une certaine Grinberge, ayant perdu deux batailles de suite contre elle doit accepter de "baiser le cul de la vieille" comme condition à la paix.
C'est pour pallier au manque cruel de Fanny de comptoir acceptant de se retrousser en public, que fut mise en service, dans tous les lieux où l'on jouait au jeu provençal ou à la pétanque, une Fanny postiche aux fesses rebondies. Conservée avec ferveur, véritable relique païenne, cachée dans une petite armoire, derrière un panneau ou un rideau, elle n'était dévoilée que pour un retentissant 13 à 0. Alors, le malheureux vaincu, à genoux comme s’il allait à confesse, en présence de tous, s’approchait de l'autel pour baiser l'icône. Faire passer le postérieur de Fanny à la postérité fut aussi une façon radicale de braver la morale bourgeoise chrétienne qui jetait l'opprobre sur ses fesses dénudées.
Source : D'après un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre