Des montjoies aux oratoires
A l'origine des oratoires, certains chercheurs n'hésitent pas à voir une manière de perpétuer les menhirs antiques tout en les détournant de leurs cultes originels. Selon l'abbé Moreri, qui fut un spécialiste en ce domaine, ces monuments votifs trouvent leur origine dans les pèlerinages. Les premiers seraient apparus dès le XIIIème siècle : les pèlerins jalonnaient leur route de petits tas de pierres et édifiaient un tumulus plus conséquent en arrivant au terme de leur pèlerinage. Enfin, ils couronnaient ces édicules de croix confectionnées avec des branches. On disait alors qu'il "faisaient des Montjoie". La coutume s'est perpétuée au fil des siècles. Elle s'est élargie à des paysans plaçant ainsi leur champ sous la protection de tel ou tel saint, à des particuliers remerciant le ciel après avoir été exaucés dans leurs prières. Des reposoirs furent également construits sur des lieux élevés : des groupes de fidèles s'y rendaient le jour des rogations. Certains autres commémorent des faits historiques marquants, ainsi celui du Brusc (Var) immortalise-t-il la victoire des Six-Fournais sur les Sarrasins en 950. Peu à peu, les oratoires ont prix leur forme actuelle, avec cette niche caractéristique pour accueillir une statuette ou une image pieuse. Leurs formes différentes selon les lieux, et l'inspiration du bâtisseur. On en trouve à pilons cylindriques, mais ils sont rares. La plupart sont carrés, souvent coiffés de tuiles à deux pans, de pierres pyramidales, de bulbes ou de dômes. Les uns sont élancés, d'autres plus trappus et il en existe taillés dans la roche et même dans un tronc d'arbre. Certains sont flanqués d'un banc de pierre "lou banqué" qui pouvait à terme être creusé pour servir d'abreuvoir aux bêtes. On en voit qui sont bâtis en pierres apparentes ou enduits de briques. Où que vos pas vous conduisent, vous trouverez un oratoire. Arrêtez-vous pour le regarder et vous vous rendrez vite compte qu'aucun d'eux ne se ressemble.
Compléments
On appelait autrefois montjoie un monceau de pierres entassées pour marquer les chemins. La coutume des pèlerins était de faire des montjoies sur lesquels ils plantaient des croix aussitôt qu'ils découvraient le lieu de dévotion où ils allaient en pèlerinage. Les montjoies du XIIIème siècle étaient édifiés sur des socles hexagonaux et étaient décorés de statues de rois. Entre le pied et la colonne de la croix se trouvait une colonnade à jour dont le haut formait plusieurs arcades en mitres. C'est dans ces niches qu'étaient représentés le roi Philippe III le Hardi et les autres seigneurs qui l'avaient accompagné revêtus de leurs habits de cérémonie. Quatre des fûts des croix étaient ornés d'un "L" couronné, à la suite d'une restauration effectuée au XVIIe siècle.
A noter qu'au Moyen Age, le cri d'armes des armées du roi de France était : Montjoie ! Saint-Denis !
Etymologie de montjoie
L'étymologie pourrait expliquer la variabilité du sens du mot montjoie. Deux étymologies sont avancées :
1/ Il pourrait provenir de "Mons Gaudii", soit "montagne de joie" nom donné par les pèlerins à la montagne de Rama située au nord-ouest de Jérusalem. Mons Gaudii a dû exister préalablement dans la littérature religieuse, avec une valeur symbolique ; les substantifs "mons" et "gaudium" (parfois juxtaposés), sont utilisés dans des hyperboles en latin chrétien pour désigner le "royaume de Dieu" et la "félicité". Le nom propre s'est appliqué ensuite à diverses éminences dont on pouvait voir le lieu saint, puis à des points de vues quelconques : montjoie comme cri de joie des pèlerins apercevant la ville sainte a été adopté au Moyen Âge comme cri de guerre.
2/ L'historienne Anne Lombard-Jourdan a proposé une étymologie différente. Montjoie, procéderait des éléments germaniques "mund" et "gawi", soit "protection" et "territoire" et renverrait à un "territoire de protection" situé entre Saint-Denis et Paris auxquels les Francs à la suite des Gaulois auraient attribué une puissance sacrée, celle du "protège-pays". La figure tutélaire du "protège-pays" aurait été invoquée lors des combats par les Francs et serait devenu le cri de guerre des rois de France.
Sources : Var'mag - Magazine du Conseil général du Var - N°2. 1995 et Wikipédia l'encyclopédie libre.
Oratoire Saint Victor à Trans en Provence (Photo Oratoires.com)