26 juin 2018
Une lampe à huile d'antan : le calen
Un calen (Photo Internet)
C'est un petit objet, presque rien, un objet bien provençal qui servait autrefois pour s'éclairer. C'est l'Adam de tous les modes d'éclairage qu'a créé le genre humain. Depuis des années et des années, il est là, pendu dans l'âtre, tout près de la grosse crémaillère, comme un vétéran qu'on oublie ; la fumée l'a noirci, un reste d'huile a formé une sorte de poix au fond de l'ouvette.
Les torsades de la tige de suspension semblent être effacées ainsi que les diverses moulures dont il était enrichi ; l'ensemble a perdu son brillant de vieille argenture. Il est toujours bien vivant, malgré cette retraite... Il repose et médite, peut-être la gloire et le bonheur de ces campagnes qu'on a abandonnées.
Au manteau de cette cheminée, qui apparaît immense, est encore l'anneau de cuivre rouge où on le suspendait le soir aux longues veillées de l'hiver. C'est la vie de nombreuses générations qui valse dans notre mémoire comme des feux follets, avec des alternatives de joie, de bonheur, de misère, de peines.
C'est l'histoire de la Provence, c'est l'histoire de France, c'est celle du monde, c'est la nôtre avec toutes ses grandeurs, sa noblesse et aussi ses fadeurs.
C'est le témoin des précédents de nos origines, c'est le survivant des tempêtes qui secouent les hommes. Sa flamme vacillante, fumante, a souvent été éprouvée par les vents qui précèdent les révolutions. Tolérante, elle a subi les outrages de bien des bassesses ; indulgente, elle a éclairé successivement tous les régimes sans toutefois pour cela briller avec plus ou moins d'éclats pour les rois, les empereurs, les dictateurs ou les républiques. Elle donnait tout ce qu'elle pouvait et pour le bien de tous.
Le Calen présidait aux soirées de fêtes, de joie, aux rassemblements familiaux. Sa lumière s'épanchait tremblotante les soirs de douleurs et de deuil. Et s'il pouvait s'exprimer en un beau langage accessible à tous les humains sans distinction de races ni de couleurs, s'il pouvait, dans un abandon voluptueux, dire tout ce qu'il pense des hommes, de leurs ivresses, de leur faiblesse de leur héroïsme, de leur cynisme et aussi de leurs hontes parfois, s'il pouvait tout cela, on serait à la fois émerveillé et conquis, on aurait pour lui beaucoup plus d'attention.
Auteur : F. Nivière du Luc dans Mémoire d'un Peuple - Association de Maintenance des Traditions provençales.
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