Reynier, hameau médiéval d'Ampus
Aux abords de la côte d’Ampus, sur la D49, du côté droit de la route en montant, se trouve un petit renfoncement à peine visible, prolongé par un chemin pentu et caillouteux. A première vue, il est difficile d’imaginer l’importance historique de ces lieux. Et pourtant… C’est bien ici, en contrebas de la côte, qu’a été bâti le village médiéval de Reynier, dont il ne subsiste hélas, que des ruines. "Pour ma part, je l’ai découvert tout à fait par hasard, alors que j’étais commissaire de course sur la “Côte d’Ampus”. Il faut dire que la végétation était moins dense qu’elle ne l’est actuellement", explique Charly Clairici, féru d’histoire et ancien conservateur de la Société d’études scientifiques et archéologiques de Draguignan et du Var. C'est en empruntant le chemin qui mène au site de Reynier qu'il développe son explication : "D’après les Promenades archéologiques varoises rédigées par le commandant Laflotte, (parution de 1921) ce village, arrière-fief de la seigneurie d’Ampus, aurait été construit au XIIIème siècle, à la demande du comte de Provence, Raimond-Bérenger V."
Selon les archives communales d'Ampus, ses fortifications auraient été détruites au XVIème siècle, durant les Guerres de Religion, après que les protestants en aient fait un point stratégique pour attaquer la cité du Dragon (Draguignan). Quant à la vie du village en elle-même, Charly Clairici prévient: "Les lieux ont déjà été prospectés, notamment par l’archéologue dracénois Guy Désirat et le commandant Laflotte, mais ils n’ont jamais fait l’objet de fouilles archéologiques poussées."
A ce niveau-là, le hameau de Reynier conserve donc tous ses mystères… Ou presque. Après cinq minutes de marche, l’historien aperçoit un grand mur en pierre, égratigné par le temps et encerclé par les éboulements. "Autrefois, une tour et une habitation seigneuriale, qui ne sont plus que ruines aujourd’hui, surplombaient l’entrée du village", indique-t-il. Sur sa gauche, il désigne les fossés, encore visibles, qui "protégeaient l’ensemble". Puis, au fil des pas, le site se découvre davantage. Et les ruines se font jour : celles de la chapelle Saint-Maurice, qui jouxte un petit espace cémétérial jamais fouillé à ce jour, celles du castrum - aux archères* encore debout - et, bien évidemment, les ruines des habitations, très exiguës et peu espacées les unes des autres.
"Vu leur nombre, le village devait compter une centaine d’habitants, reprend Charly Clairici. Ces derniers travaillaient très probablement dans les communes alentours et ne venaient ici que le soir venu. Mais la vie n’y était pas absente pour autant. Des ossements de moutons ont été retrouvés non loin des habitations, ce qui laisse supposer un élevage de bétail. Pour le reste, concernant leurs habitudes quotidiennes, on ne sait rien." Puis il apporte une dernière précision : "Le village de Reynier a semble-t-il cessé de vivre à la fin du XVIIème siècle. La raison demeure inconnue… Peut-être est-ce à cause de l’assèchement des puits et du manque d’eau ?"
L’histoire ne le dit pas… "Toujours est-il que le hameau aurait été occupé par la suite par des bergers, puis à nouveau déserté au XVIIIème siècle. Manque de cultures ? Changements de région ? Là aussi nous ignorons les raisons…" Une certitude néanmoins : le poids de l’histoire que porte ce site qui, laissé à l’abandon aujourd’hui, mériterait d’être reconnu à sa juste valeur.
Explications : *Archères : Souvent appelées meurtrières sont des éléments types des fortifications.
Source : D'après un article paru dans le journal Varmatin du 19 juillet 2020.
Complément
Chronique des fouilles médiévales réalisées par Guy Désirat
Le site occupe un promontoire rocheux dominant le confluent des vallons de "Reynier" au nord et des "Molières" au sud. Il est situé sur un embranchement de la voie romaine reliant Draguignan à Riez. Orienté Est-Ouest, il s'étend sur 120 mètres de long et 30 de large. Le village se compose de deux parties : à l'ouest, un donjon rectangulaire de 7 X 5 mètres et l'habitation seigneuriale de 7,5 X 7,5 mètres séparés par une cour et entouré de lices**. Cet ensemble est défendu par un fossé sec à l'est et à l'ouest, large de 3 mètres, aux parois taillées verticalement dans le rocher d'une hauteur variant entre 6 et 10 mètres. A l'est, le village s'étale en longueur sur l'arête de l'éperon à des niveaux différents, de même sur le versant sud. Il est protégé tout autour par un rempart dont l'épaisseur varie de 1,05 mètres à, 1,60 mètres arasé presque au niveau des fondations, sauf sur une partie de sa façade nord où il repose sur des falaises rocheuses. Un pont ruiné de 2,30 mètres relie le château au village au-dessus du fossé sec est. L'accès au castrum se fait par un chemin remontant le vallon des "Molières", son entrée est protégée par des chicanes. Les maisons se répartissent de part et d'autre d'une rue centrale, placettes et passages tortueux. L'église, sous le vocable de Saint-Maurice, est orientée, un petit enclos cémétérial jouxte la façade sud. Le point d'eau n'a pas été découvert. L'extrémité est du castrum descend en pente douce vers le confluent des vallons ; c'est la zone la plus proche réservée aux cultures. Ce castrum comme beaucoup d'autres en Provence, semble être bâti sur un oppidum gallo-romain dont il reste des traces de rempart aux nord et un glacis de pierres à l'est ; quelques tessons de céramique commune ont été mis à jour à l'occasion d'un petit sondage. Les travaux de recherches programmés portent tout d'abord sur les relevés détaillés en plan, coupes et façades de l'ensemble du village et de ses abords. Sa complexité et le maquis dans lequel il se trouve vont exiger un délai de trois ans environ ; pendant cette période quelques sondages seront effectués. Cette année, un sondage a permis la localisation du cimetière et la fouille au niveau du sol de l'église. (Responsable de la fouille : Guy Désirat)
Explications : **Lices : En architecture, une lice est une palissade qui entoure une fortification. Mais aussi un terrain clos, qui servait aux joutes, aux tournois. Egalement, toute enceinte destinée aux exercices de plein air. Bordure marquant la limite intérieure d'une piste d'athlétisme, de cyclisme. Pièce de bois horizontale assemblée sur des poteaux pour former une barrière.
Source : Article "Ampus, village médiéval de Reynier" paru dans une publication d'Archéologie médiévale, tome 21, 1991.
Pour la petite histoire, sachez que le site de Reynier a été pillé dans les années soixante et les pierres taillées se vendaient sur le bord de la route (Cf. Blog de Roger Casanova).