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Passion Provence
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  • Bienvenue chez moi à Trans en Provence dans le Var. Je vous invite à la découverte de la Provence et du Var en particulier à travers son histoire, son patrimoine, ses traditions, ses coutumes, ses légendes, etc...
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13 mars 2022

Le train des pignes du littoral varois

Malgré le désenclavement opéré par la création de la Nationale 559 (la route nationale 559 ou RN 559 était une route nationale reliant Marseille à Roquebrune-Cap-Martin) sous le Second Empire, les déplacements de nos aïeux étaient encore exceptionnels et les échanges commerciaux presque nuls, car le Var vivait en économie fermée.

Véhicule hippomobile

Seuls les véhicules hippomobiles les permettaient. Mais il faut souligner que si beaucoup de paysans possédaient de petits ânes qui leur étaient très utiles à la campagne, d'autres se déplaçaient à pied sur des distances relativement longues : les vélocipèdes étaient encore très rares à la fin du XIXe siècle et tout le monde ne disposait pas de chevaux et de calèches. Le transport des marchandises se faisait par charroyage, quelques services d'omnibus à cheval existaient pour aller à Hyères prendre la correspondance des trains de la ligne PLM (Paris-Lyon-Méditerranée) jusqu'à Toulon. Puis un jour, un banquier du nord qui aimait notre région comprit qu'il fallait l'ouvrir. Il acquit une longue bande de terrain de Toulon à Saint-Raphaël afin d'y installer une voie ferrée permettant d'assurer par trains le transport de voyageurs et de marchandises, ce qui allait changer complètement la vie des habitants de la côte. Ce monsieur s'appelait Hippolyte Adam et il a laissé semble-t-il, un souvenir durable car des rues portent son nom dans les villages côtiers.

Train-Cogolin

C'est sous la IIIème République, vingt ans après l'ouverture de la Corniche des Maures et en 1889, qu'on entreprit de dessiner une ligne de chemin de fer de Hyères à Saint-Raphaël, avec également un tronçon de Cogolin à Saint-Tropez. Elle longeait le littoral, mais ne pénétrait pas dans le massif des Maures, certains villages restaient isolés et c'est pour cela qu'un autre tronçon fut créé en 1905, celui de Hyères à Toulon. De petites gares avec leur hangar-entrepôt furent édifiées ainsi que les maisons des gardes-barrières aux passages à niveau. Sur cette voie unique d'un mètre de large, on posa de petites locomotives à vapeur qui tiraient, en ronronnant, des wagons hauts sur pattes. Les croisements se faisaient dans les gares. Le petit train avait ses chauffeurs et ses mécaniciens tout mâchurés de charbon et ses chefs de gare en casquette plate qui lui donnaient le signal du départ à coups de sifflet et balançaient leur lampe pour le faire manoeuvrer, il avait aussi un tunnel de 160 mètres de long d'où il ressortait comme un monstre rugissant. 

Saint-Raphael

Le 4 septembre 1891, on fêta la naissance de cette ligne et le "Sud France" fit démarrer son premier convoi enrubanné de tricolore un peu cahotant et très applaudi par une foule enthousiaste. La diligence coexista encore quelques temps sur le tronçon de Cogolin à Saint-Tropez. C'était le "Progrès" qui pénétrait sur la côte avec la possibilité de voyager sûrement et surtout le déblocage économique de la région en la sortant de l'isolement où elle s'étiolait. Trois services de trains par jour dans les deux sens, le trajet Hyères-Saint-Raphaël, soit 104 kilomètres durait 5 heures. Il donnait un essor certain au pays en permettant le développement des expéditions des primeurs, des fleurs coupées, du liège en planches et en bouchons, et du vin. En retour, des balles de paille, des céréales, du foin de la Crau et autres marchandises nécessaires au pays. Ce fut par lui que Bormes, que l'on avait omis de prévenir, apprit l'armistice du 11 novembre 1918. De Bormes-Village, un vieux char à banc brinquebalant assurait le courrier jusqu'à la gare. Le voiturier prenait le raccourci par la voie romaine pour rejoindre la gare pendant que son cheval, tout seul dans les grands lacets de la route, allait cahin-caha et arrivait au train quelques fois en retard... Les enfants, les jeudis et les dimanches, quand ils entendaient sa respiration saccadée à la montée de La verrerie, dévalaient la pente pour aller "voir passer le train" gros dragon de fer crachant fort en vapeur, haletant, impatient de reprendre avec son ventre plein de feu, sa course bruyante. Les voyageurs, secoués mais ravis, avaient le temps d'admirer les plages dorées, les caps rocheux et, à l'horizon, les fabuleuses Iles d'Or. Il se faufilait entre les bois de pins et de chênes et l'hiver dans les frondaisons des mimosas en fleurs. Quand la montée était trop rude, il ralentissait en ahanant : "n'en poudi plu, n'en poudi plu !" (je n'en peux plus, je n'en peux plus), scandait le bruit de la vapeur dans ses pistons. Alors, les voyageurs descendaient, et marchant sur le ballast, le poussaient un peu. Parfois, le chauffeur devait répandre du sable sur les rails pour l'empêcher de glisser, le mécanicien faisait marche arrière pour prendre alors l'élan nécessaire à le réussite de la montée. Il ne fallait pas traîner ensuite et vite grimper sur les plates-formes car à la descente le "macaron c'était le rapide", il s'emballait : "m'agantès plu, m'agantès plu" (tu ne m'attrapes plus) chantait-il à ceux qui courraient après lui. Les citadins le prenaient pour aller faire les "pignes" (pommes de pin) pour allumer leurs feux l'hiver. Au retour, les wagons étaient encombrés de tous ces sacs gonflés de pommes de pins et cela lui va valut le nom de "Train des pignes". En automne, c'étaient les cageots de champignons qui embaumaient le convoi, tous remplis de safranés délicieux. On l'avait surnommé le macaron car la cheminée des premières locomotives rejetant tant d'escarbilles qu'il en était tout machuré, c'était un mascaron traduit en français par macaron. Pendant l'été, la compagnie de chemin de fer remplaçait les sévères wagons fermés par des "jardinières", plates-formes à rambardes garnies de bancs de bois et dont le toit plat frangé de pompons blancs lui donnait un air pimpant de train d'opérette. Il y avait beaucoup de touristes anglais de Hyères à Saint-Raphaël et ils prenaient le "train des pignes" pour voyager et découvrir le littoral varois. Mais il assurait aussi le service du courrier, des marchandises, des animaux, tout transitait par lui. 

Train des pignes

Près d'un demi siècle plus tard, en 1936, le petit tortillard a pris sa retraite et ce sont de larges automotrices diesel à transmission électrique qui ont pris la relève sur cette voie un peu étroite où elles roulaient en tanguant. De couleur rouge, elles avaient une remorque de 60 places et pouvaient tirer encore 3 voitures de 56 places chacune, elles réduisirent à 2h50 le temps de trajet, mais de 1939 à 1944, le gasoil manquant, on ressortit de leur retraite les locomotives à vapeur. A la Libération, le réseau fut en partie détruit, des locomotives démolies par l'occupant. La paix revenue, la voie réparée, les rescapés reprirent du service pour 4 ans. Puis le 2 juin 1948, ce fut l'inauguration de la ligne d'autocars confortables et rapides de la Compagnie de Provence (C.P.). On arracha les bons vieux rails d'acier, les "michelines" rouges allèrent par ferry à Madagascar finir leur carrière. Certaines d'entre elles partirent sur la ligne Bilbao-Santander en Espagne et d'autres au Sénégal. Certains tronçons de l'ancienne voie de communication sont abandonnés ou servent aux riverains, d'autres sont devenus routes ou pistes cyclables. Mais pour les gens du coin, c'est toujours la "voie" et il y flotte le souvenir crachotant du petit "train des pignes". Il aurait un succès fou aujourd'hui si on le ressortait, avec son air rétro et il serait toujours pris d'assaut. Il est toujours bon de rêver !

Source : D'après le livre "Les Maures, terre de Provence" Georgette Brun-Boglio - Ed. Les Presses du Midi

 

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Commentaires
A
Excellent article. Dommage d'illustrer "la micheline rouge" par une "caravelle" de la SNCF qui n'était même pas sortie à l'époque et qui est en voie normale
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C
Il disparait, comme tu l'expliques, dans de nombreux coins de France et c'est regrettable. Il est plaisant de voyager en train, de profiter du paysage qui défile, de ne pas être vigilant à la circulation et peut être, serons nous obligés de revenir un jour à ce moyen de transport. Très sympa l'affiche que tu nous présentes.
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