Célestin Freinet l'instituteur qui révolutionna l'école
Célestin Freinet naît le 15 octobre 1896 à Gars dans les Alpes-Maritimes. La maison natale donne sur une place au bout du village. L'école est juste en face à dix mètres un peu en contrebas, c'est un signe prémonitoire. Pendant la Première Guerre mondiale, il est blessé et gardera des séquelles de ses blessures toute sa vie. Il passera un an en convalescence dans son village. Les habitants le voient déambuler par les rues, un livre à la main, sa longue et fine silhouette couverte d'une large cape noire.
Célestin Freinet avec ses élèves
Célestin Freinet met au point seul, entre 1920 et 1925, dans sa petite école de Bar-sur-Loup, ce qui va devenir l'essentiel de sa pédagogie. Son enseignement favorise l'expression et la communication, le travail individualisé, l'autonomie, le tâtonnement expérimental (pédagogie de l'erreur), l'organisation coopérative de la classe (chacun peut y trouver un rôle à jouer) ainsi qu'une plus grande responsabilité de la part de l'élève. Militant de l'École émancipée, il refuse le manuel scolaire et le "bourrage de crâne". Il propose d'initier les enfants à l'imprimerie. Sur de petites presses semblables à celles qu'utilisent alors les commerçants pour imprimer leurs étiquettes, il encourage les enfants à montrer leurs capacités à s'exprimer et à communiquer par la rédaction d'un "journal de classe" et à les inciter de ce fait à la lecture.
Célestin et Elise Freinet
A partir de 1925, dans divers articles de presse, il fait connaître ses initiatives et tisse un réseau de correspondants. En octobre 1926, il entreprend une correspondance inter-scolaire régulière avec René Daniel, instituteur comme lui, en Bretagne. Puis, il rencontre Elise, une enseignante qui adhère et collabore à son action. Ils se marient. Freinet crée la revue "La Gerbe", qui est une publication des meilleurs textes d'élèves, et le bulletin "L'Imprimerie à l'école", pour l'auto-formation des instituteurs intéressés. A la rentrée de 1927, est fondée la Coopérative de l'enseignement laïque, qui distribue des films, des disques et des brochures. Ses méthodes nouvelles bousculent les principes et dérangent les esprits. Il est en butte à la méfiance et à l'hostilité de ses supérieurs.
En 1932, débute la campagne de l'Action francaise contre cet instituteur "bolchevique" - en poste à Saint-Paul-de-Vence depuis 1928 - qui aboutit à son déplacement d'office. Célestin Freinet franchit alors le pas : il achète un terrain à Vence et bâtit lui-même sa propre école, ouverte en octobre 1935. Il peut enfin parfaire ses méthodes éducatives. Son école est organisée comme une véritable communauté où les enfants appellent "papa" et "maman" le couple Freinet. Ils organisent eux-mêmes des ateliers d'activités manuelles, l'affichage hebdomadaire du plan de travail, le conseil de coopérative (pour la gestion) et rédigent un journal de classe affiché au mur dans lequel ils expriment leurs critiques et leurs voeux. Interdit d'école sous l'Occupation, Freinet participe activement à la Résistance. Revenu à Vence en 1945, il reprend son oeuvre, publie jusqu'à sa mort le 8 octobre 1966, "L'Éducateur", revue de référence du "mouvement Freinet".
Célestin Freinet
La "pédagogie Freinet" a été peu à peu adoptée par les écoles de l'Europe entière, mais aussi d'Amérique latine, où pénètrent les méthodes actives, les bibliothèques de classe, voire la presse scolaire. En revanche, la vie communautaire de Vence a été abandonnée. Nul ne songerait aujourd'hui à faire construire une école par les enfants. Ce que fit Célestin Freinet !
Aujourd'hui, sa salle de classe au Bar-sur-Loup est devenue une salle du conseil municipal et seule une plaque posée à l'entrée de la mairie témoigne de cette expérience.
Source : D'après Mille ans d'école, de Charlemagne à Claude Allègre - Les collections de l'Histoire - octobre 1999.