Les pigeonniers en Haute-Provence
Pigeonnier à Châteaufort (Alpes-de-Haute-Provence (Photo Wikipédia)
Pigeonnier en Provence (Carte postale)
Pigeonnier à Limans (Alpes-de-Haute-Provence (Photo Wikipédia)
Autant de provinces, autant de coutumes différentes à l'égard du droit au pigeonnier. En Haute-provence, sous l'Ancien Régime, les pigeonniers étaient exclus des privilèges seigneuriaux. C'est sans doute pour cette raison qu'ils sont si nombreux, bien souvent rustiques, à l'image de la vie âpre que menaient alors les paysans... Les pigeons étaient élevés pour un petit apport alimentaire, mais surtout pour la colombine, un engrais naturel précieux réservé aux cultures délicates comme celle des jardins potagers ou des fleurs (un pigeonnier moyen de 600 oiseaux permettait une récolte annuelle de quelques 1 200 kilogrammes de colombine). Ces constructions étaient soit "à fuie", c'est-à-dire, incluses dans la toiture du bâtiment d'exploitation, soit "à pied", c'est-à-dire, indépendantes. Lorsque le pigeonnier était incorporé au mas, les pigeons n'occupaient souvent que le grenier ou la partie supérieure du bâtiment. Le rez-de-chaussée abritait le cochon ou, usage plus noble, une chambre ou même un petit oratoire. Lorsqu'ils étaient bâtis sur un terrain à distance, c'était en général dans un pré en pente, ils étaient adossés au mistral, à l'écart du bruit, avec un mur pare-vent plus haut que le toit. Les pigeonniers ronds pouvaient atteindre 7 à 8 mètres de haut, avec un diamètre intérieur de 5 à 6 mètres et des murs de 60 centimètres d'épaisseur dans lesquels étaient aménagés intérieurement les boulins, des alvéoles où nichaient les pigeons dans des nids d'osier, de bois ou de terre cuite (des tuiles canal par exemple). Divers dispositifs étaient prévus pour empêcher les prédateurs (fouines, belettes ou rats, friands d'oeufs et d'oisillons) d'accéder aux grilles d'envol, puis aux boulins. Une ceinture et des encadrements de carreaux de terre cuite vernissée autour de la fenêtre, des corniches moulurées enduites de suif formaient en même temps un décor autour des trous d'envol. Les couleurs traditionnelles étaient le jaune, le brun chaud et le vert, disposés en damiers ou en demi-carreaux, créant un rythme triangulaire toujours basé sur l'alternance clair-foncé. Connaissance intuitive des pigeons ou souci décoratif ? On ne peut être catégorique, mais on sait aujourd'hui, pour avoir étudié leur vision, que ces oiseaux, s'ils ne sont pas sensibles à toutes les couleurs, perçoivent les contrastes de clarté. De même, l'encadrement peint à la chaux autour du carrelage renforçait la signalisation tout en écartant les parasites. C'est sur les premiers contreforts des Alpes, dans la région de Barjols, à l'ouest des pays du Verdon, que l'on trouve quelques exemples de pigeonniers aux dimensions colossales : l'un d'eux atteint 23 mètres de haut, 10 mètres de diamètre et peut abriter plus de 8 000 nids ! Parfois, d'anciennes tours de guet pouvaient être reconverties en pigeonniers et les portes de la ville accueillaient des oiseaux, comme au Revest-des-Brousses, entre Simiane-la-Rotonde et Forcalquier (lire mon article sur le Revest-des- Brousses ICI). Le territoire de Limans, dans la petite vallée de la Laye, au nord de Forcalquier, réunit les plus beaux et les plus anciens pigeonniers de Haute-Provence qui datent du XVIe siècle.
Source : D'après Maisons de Haute-Provence - Editions Hazan
Pigeonnier double à Tavernes (Var)