Le naufrage du paquebot le Liban à Marseille en 1903
Le naufrage du paquebot baptisé le Liban le 7 juin 1903, à la suite de sa collision avec le paquebot dénommé l’Insulaire près de l’île Maire, à seulement quelques encâblures de Marseille, fut certainement l’une des plus grandes catastrophes maritimes que la cité phocéenne a connu.
Le Liban était un paquebot mixte, c'est-à-dire qu'il transportait aussi bien des passagers que des marchandises. C'était un paquebot à vapeur, construit en 1882 à Glasgow en Ecosse par les chantiers Napier & Sons pour le compte de la compagnie Fraissinet. La Fraissinet était une Compagnie Marseillaise de Navigation à Vapeur, aux mains de l’un des plus puissants armateurs du sud de la France, qui régnait alors sur les transports maritimes vers la Corse, l’Italie et tous les pays du pourtour de la Méditerranée. Et ironie du sort, les deux paquebots en cause dans la collision du 7 juin 1903 appartenaient tous les deux à la compagnie Fraissinet !
Il était long de 91 mètres pour 11 mètres de large et 6 mètres de tirant d’eau, jaugeant 2308 tonnes, il pouvait atteindre une vitesse de croisière de 12 noeuds grâce à une machine à vapeur de 3 cylindres à triple expansion de 386 cv, alimentée par une chaudière et connectée à une seule hélice.
Le Liban était allé jusqu’en Chine et à Madagascar également avant d’être affecté aux transports de passagers entre Marseille et la Corse. En 1903, au moment du naufrage, il était commandé par le capitaine Antoine Lacotte. Le 7 juin 1903, le Liban, qui assurait aussi le service postal entre le continent et la Corse, était parti de Marseille à 11h30 pour Bastia. Le temps était très beau et les passagers se pressaient vers le restaurant pour y prendre leur déjeuner comme à l'accoutumée. La traversée s’annonçait sans aucun problème. C'est en longeant la côte en direction de Cassis, que le Liban qui était en train de doubler l’île Maire rencontra l’Insulaire, un autre paquebot lui aussi de la compagnie Fraissinet qui naviguait en sens inverse puisqu'il arrivait de Nice et de Toulon.
En ce qui concerne les croisements de navires, les règles de navigation sont très claires : les deux navires qui suivent des caps inverses doivent s’écarter, chacun par son tribord. Dans le cas présent, la manoeuvre était rendue délicate pour l’Insulaire car il longeait au plus près la rive de l’île Maire sur son tribord et il ne pouvait donc pas modifier davantage sa route vers la droite car il risquait de s’échouer.
Le capitaine Lacotte voyant que l'Insulaire gardait le même cap, qui rapprochait de très près les deux navires, crut que le Liban manoeuvrait pour s'éloigner. Et c’est ainsi qu’il commit l’erreur fatale de décider de croiser l’autre paquebot par bâbord, contrairement aux règles de navigation en vigueur. Ce faisant, le Liban se rapprocha dangereusement de l’île Maire, présentant son flanc droit à l’Insulaire qui, pour sa part, n’avait toujours pas changé de cap et lui fonçait droit dessus, en plein travers.
La collision était fatale et se produisit dans un fracas épouvantable. L’Insulaire aborda par tribord le Liban à 12h30, provoquant une énorme brèche qui laissa un flot important pénétrer dans la coque de celui-ci, et qui le fit sombrer en moins de dix minutes.
Le capitaine du Liban qui connaissait les fonds marins de cet endroit a quand même essayé d’amener son paquebot sur un plateau moins profond entre les îlots des Farillons et l’île Maire, dans le but désespéré de l’échouer pour éviter le naufrage. Mais malheureusement, il n'y arriva pas, le paquebot étant trop gravement touché. Il se remplissait d’eau inexorablement et quand les sauveteurs arrivèrent à sa portée, le Liban avait déjà sombré.
Plusieurs navires qui croisaient dans les parages avaient été les témoins directs de la catastrophe, dont notamment le Balkan et le Plaider, de la Compagnie Fraissinet, le navire autrichien Rakocsy et le bâteau de pilotage Bléchamp. Ces navires organisèrent immédiatement les secours. Le patron du Bléchamp se dirigea sur le Liban au moment où, envahi par les eaux, le capitaine Lacotte tentait une ultime manoeuvre en poussant à fond ses machines pour aller s’échouer à terre.
Sur le Liban, pendant que la proue s’enfonçait et que la poupe s’élevait à la verticale, les passagers tentèrent de sa masser sur l’arrière, encore hors de l’eau. Mais la partie arrière était couverte d’une tente qui constitua un piège car les malheureux ne purent se dégager de cette toile quand le paquebot sombra.
Le Liban avait à son bord 43 personnes qui constituaient les membres d'équipage, 148 passagers qui possédaient un billet et une grande quantité de passagers sans ticket, dont le nombre était inconnu car beaucoup de passagers en classe économique avaient pour habitude d’embarquer et de payer leur traversée directement auprès des commissaires de bord. Au moment de la catastrophe, la régularisation des passagers sans titre de transport n’était pas encore terminée et on ne put donc jamais établir avec certitude un bilan précis des victimes du naufrage. On estime cependant que le drame a coûté la vie à cent à deux cents personnes, hommes, femmes et enfants. Une centaine de personnes rescapées de la catastrophe furent ramenées à Marseille.
Le deuxième navire mis en cause, le paquebot l’Insulaire, dont l’avant était sérieusement touché mais présentait des voies d’eau de moindre importance, continua sa route à toute vapeur vers le port de Marseille, sans se préoccuper de son homologue en train de sombrer. Si ce comportement a été beaucoup critiqué par la suite, les explications fournies par son commandant, le capitaine Arnaud, étaient très logiques : voyant que plusieurs navires se trouvaient à proximité des lieux de la collision et se rendaient au secours des victimes, il avait préféré amener le plus rapidement possible son navire en lieu sûr afin d’éviter un deuxième naufrage, qui aurait rendu la catastrophe encore plus meurtrière. En agissant de la sorte, il avait sauvé son paquebot, ses membres d'équipage et ses passagers.
Aujourd’hui, le Liban se trouve sur la face sud de l’île Maire. La proue contre les Farillons du large, aux coordonnées : latitude 43° 12’ 47 N et longitude 5° 20’ 23 E.
La proue encastrée dans les rochers se trouve à 32 mètres de fond. La poupe au plus profond repose à 36 mètres. Le site peu éloigné de la côte, n’est pas abrité des vents d’est et de sud. La profondeur reste à la portée de la plupart des plongeurs et en général l’eau y est claire. Le paquebot Liban est relativement bien conservé et abrite une vie abondante. C'est est l’une des épaves les plus plongées de la région marseillaise.
Source : Le naufrage du Liban par Emile Thomas - Le Figaro du 8 juin 1903
Je vous recommande de lire le texte ci-dessous pour en savoir plus. Il a été écrit par un journaliste du Figaro le 8 juin 1903. Le naufrage du Liban par Emile Thomas - Une Catastrophe en mer
La Compagnie Fraissinet a été fondée en janvier 1836 à Marseille par Marc Fraissinet qui va s'allier au courtier d'assurance Chancel. En 1841, Fraissinet rachète la compagnie. En 1853, l'entreprise est rebaptisée Compagnie marseillaise de navigation à vapeur . En 1860, la société possède dix navires.
http://www.corsicamea.fr