Seillans, capitale varoise du parfum
Elle s'appelait Charlotte Jeanne Marie, vicomtesse Savigny de Moncorps née de Villers La Faye, en Bourgogne. A la fin du XIXe siècle, elle offre au pays de Fayence une nouvelle prospérité. Plus encore, des saisons colorées, odorantes et un grand esprit de solidarité.
Son époux en secondes noces, le marquis de Rostaing, possède une grande propriété à Seillans, où elle s'installe. En 1870, une épidémie de choléra emporte le marquis. Pour se consoler, la marquise voyage en Inde.
De retour avec son troisième époux, le vicomte Savigny de Moncorps, elle trouve le village moribond. En plus du choléra, le phylloxéra a ravagé les vignes qui sont le pilier de l'économie locale. La vicomtesse n'est pas une femme du monde (on aperçoit chez elle Alphonse Karr, Jean Aicard, Guy de Maupassant et même la reine Victoria d'Angleterre) à rester sans rien faire. Une idée lui trotte dans la tête : comment redonner vie au village ? Un ami de la parfumerie de Grasse, lui suggère de planter des fleurs que l'établissement pour lequel il travaille lui rachètera. Finalement, elle décide d'exploiter elle-même ses fleurs, avec les villageois, dans la parfumerie qu'elle crée à Seillans sous le nom de "Parfumerie de Seillans". Ses terres du domaine du Neïssoun s'étendent à l'est jusqu'au village de Callian et au nord, jusqu'à celui de Comps.
Y sont plantés 140 000 pieds de jasmin, 45 000 touffes de violettes et 10 000 rosiers. Sans compter, la lavande, les iris, la menthe et les géraniums qui sont d'excellents fixateurs olfactifs. Les plantes bénéficient d'une ingénieux procédé d'irrigation que la vicomtesse a découvert pendant ses différents voyages. Il lui vaudra d'être la première femme à recevoir l'Ordre national du mérite agricole avec la promotion au grade d'officier.
Extrait de La Revue de Grasse du 16 avril 1905
En 1883, les premières récoltes ont lieu. Les femmes cueillent et procèdent à l'enfleurage. L'enfleurage consiste à mettre les fleurs les plus fragiles sur de la graisse pour en extraire l'essence. l Un parfum est produit. Il est baptisé "Parfum de Seillans". La vicomtesse est la première à décliner la fragrance (le parfum) sur toute une gamme de produits : eau de toilette, crème parfumée, savon et poudre de riz. Le succès est immédiat auprès de la clientèle féminine.
Pendant la guerre de 14, la vicomtesse transforme la parfumerie en hôpital de campagne. Entre 1914 et 1915, elle accueille 50 blessés de guerre. Par la suite, elle poursuivra en tant qu'infirmière bénévole à l'hôpital militaire de Boulouris jusqu'en mars 1919. A la fin du conflit, les machines laissées à l'extérieur, ont rouillé. A 80 ans, la vicomtesse n'a plus le coeur à relancer l'exploitation. Elle vend sa parfumerie et se consacre aux autres jusqu'à sa mort en 1932.
La parfumerie connaîtra un nouvel essor après les années 30 avec Pierre Chauvet qui développe l'usine dans le monde entier. Certains à Seillans se rappellent encore Guerlain venant choisir ses essences.
Aujourd'hui, toutes les productions florales ont été délocalisées.
La parfumerie existe toujours mais ne se visite pas.
Source : D'après un article paru dans Var Mag' - Le magazine du Conseil Général - N° 134 - Août 2008
Intérieur de la parfumerie
Complément
Les Archives départementales du Var ont numérisé trois "livres d’or" compilés par la comtesse. Ces registres contiennent bien plus que les commentaires ravis des clients et visiteurs de la parfumerie. On y trouve également des photographies, des coupures de presse, de la correspondance… L’ensemble apporte un éclairage nouveau sur la fabrique du parfum, la cueillette des fleurs et la vie de Mme de Savigny. Afin d’en connaître davantage sur ce dernier point, un registre de correspondance avec Alphonse Karr a également été numérisé.
Vous pouvez consulter ces registres en ligne dans "les Archives numérisées et les inventaires" (Fonds des Archives privées) en tapant le lieu "Seillans" dans la barre de recherche.
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