Coucourdes et coucourdettes
Les coucourdes ou cougourdes, ce sont les courges. En fait, on appelait ainsi en Provence toutes les sortes de cucurbitacées. Il y avait les coucourdo arange, les potirons et les coucourdo muscado, les courges muscades. Les potirons sont d'un orange vif à l'intérieur comme à l'extérieur, alors que les courges muscades, si elles ont aussi une chair orange, elles montrent une écorce couleur de caramel au lait. Il y avait également les coucourdo de Sant-Jan, les courges de la Saint-Jean, sortes de pâtissons, et les coucourdo basbaresco, qui étaient de grosses citrouilles allongées. Bref, toutes des courges que l'on cuisinait dans un tian ou en soupe ou encore en tarte. Quand une courge poussait trop longtemps, qu'elle devenait énorme, filandreuse et non comestible, on l'appelait coucourdasse. Les coucourdettes, c'étaient les courgettes. Mais c'était aussi le nom de petites courges, sortes de coloquintes, que l'on laissait sécher pour en faire les gourdes des bergers et les poires à poudre ou à plombs des chasseurs. Les coucourdettes, une fois sèches, étaient percées d'un côté. Par ce trou, on enlevait les graines et on nettoyait soigneusement l'intérieur. Puis ensuite, on le fermait soit par un simple bouchon de liège soit par un bouchon vissé de buis tourné, parfois très finement ouvragé. Les gourdes étaient munies de deux petites anses ligaturées, auxquelles on attachait un lien de corde pour pouvoir les pendre sur l'épaule. Avec le temps, ces coucourdettes prenaient une superbe patine rousse et cirée, et parfois, les bergers, inspirés y gravaient au couteau leurs rêves et leurs espoirs. Les compagnons, eux aussi utilisèrent et sculptèrent de semblables gourdes. En Arles, au Museon Arlaten, on peut admirer quelques superbes exemples de ces coucourdettes décorées. Les courges, à condition de les choisir bien fermes, lourdes, pleines et sans coup, peuvent se conserver tout l'hiver. Et comme elles sont de culture facile, plantées en février-mars et récoltées à partir de septembre, elles sont un légume de base de l'alimentation provençale, si commun et si banal que l'on dit d'un pays pauvre et sans ressources que c'est un "pays de coucourdes". C'est une grande injustice car la courge est un légume délicieux !
Source : D'après "Couleurs de Provence" de Michel Biehn - Editions Flammarion.