Le rêve mexicain des Barcelonnettes
Les trois frères Arnaud restent comme les pionniers de l'immigration des "Barcelonnettes" au Mexique. Jacques Arnaud, originaire de Jausiers, dans les Basses-Alpes (actuelles Alpes-de-Haute-Provence), a environ trente ans lorsqu'il ferme sa filature de soie en 1820 dans laquelle il a médiocrement réussi. En septembre 1821, il décide de partir, non pas de façon saisonnière vers la région des Flandres, ou encore la Hollande, Lyon, le Midi, le Piémont... comme c'était l'habitude depuis longtemps dans la vallée de Barcelonnette, mais pour la Nouvelle-Orléans, où il devient un petit fournisseur de l'armée américaine. Plus tard, profitant qu'Iturbide, proclamé empereur en 1822, sous le nom d'Augustin 1er, ouvrait les portes du Mexique aux étrangers, il part pour Mexico, s'associe à un certain Maillefert et monte un magasin de tissus, le "Cajon de Ropa de las Siete Puertas" dans la rue de Bajos de Portaceli. Leurs débuts ayant été promptement couronnés de succès, il fait venir ses frères, Dominique et Marc-Antoine. Dans les années qui suivirent, d'autres jeunes gens de la vallée vinrent aussi les rejoindre. En 1837, Eugène Caire de Briançon (Hautes-Alpes), Derbez et Alphonse Jauffred de Jausiers, venus aussi comme employés de la maison Arnaud, créèrent à leur tour, au Portal de las Flores, un nouvel établissement. Enfin, cinq ans plus tard, Edouard Gassier fonde à Mexico la troisième maison barcelonnette, qui devint la première des trois en importance.
Dès 1845, Caire et Jauffred, revenaient au pays avec assez d'argent gagné pour encourager les hésitants. Mexico compta bientôt cinq maisons barcelonnettes, Puebla , Zacatecas, Guadalajara et Toluca eurent aussi les leurs. En 1870, la ville de Mexico possède seize grands "cajones de ropa" vendant en gros et au détail toutes sortes de tissus de provenance étrangère ou indigène et des articles de Paris. On compte cinq maisons faisant le courtage et la commission, et si l'on veut avoir le nombre total des industriels barcelonnettes établis et l'énumération complète des industries représentées, il faut y ajouter une importante chapellerie, deux maisons de confections et articles divers, une papeterie, un fabricant d'huile, un fabricant de bouchons, trois boulangers, un cafetier et un menuisier... Bientôt, il y a en tout cent trente-deux établissements barcelonnettes au Mexique, parmi lesquels quatre-vingt-six magasins de nouveautés, dont le chiffre d'affaires représente annuellement plusieurs centaines de millions de francs et s'accroît chaque jour suivant une progression constante. A partir de 1875-1876, le commerce des tissus en gros et détail, reste presque exclusivement aux mains des Barcelonnettes et leurs établissements, dès lors, n'ont cessé de prospérer. Joseph Antoine Couttolenc, né à Chazelas, près de Barcelonnette, en 1796, lui, fit fortune dans l'exploitation d'une mine de cuivre. Un de ses fils devint un fameux général mexicain.
Il est à noter que cette aventure hors du commun, qui a concerné des milliers de personnes, qui ont immigré au Mexique jusqu'en 1950 et dont on estime aujourd'hui à environ 50 000 le nombre des descendants pour la seule ville de Mexico, a principalement concerné l'industrie textile (filatures de soie) et les grands magasins.
Sources : D'après "Les Voyages autour du monde par terre et par mer" : Les Barcelonnettes au Mexique - Emile Chabrand - 1897 et L'Almanach de la Provence - Pierre Echinard
J'ai pris toutes les photos lors d'une excursion à Barcelonnette en 2007
Les plus chanceux des “Soyeux du Mexique”, qui ont fait fortune dans le textile et les banques à Mexico et en province, rentrent en Ubaye pour y faire construire une belle villa, un “petit château” et aussi un immense tombeau. Ces villas, que l’on peut admirer le long des allées et avenues de la capitale ubayenne, sont le témoignage du profond attachement des Barcelonnettes à leur terre natale. Au nombre d’une quarantaine, ces villas sont implantées à la périphérie du centre, formant une ceinture monumentale et décorative unique. On ne peut évoquer l'édification des villas de Barcelonnette et de Jausiers sans mentionner celle des tombes monumentales construites dans ces mêmes années, parfois en même temps que la villa. Tous les cimetières de la Vallée, sans exception, témoignent de la richesse du patrimoine funéraire Ubayen réunissant le savoir-faire des tailleurs et marbriers italiens et la diversité des pierres et marbres sculptés.
Quelques tombes monumentales du cimetière de Barcelonette