Le toulonnais Félix Mayol, le chanteur au muguet
Dans le Paris et la France du début du XXème siècle, avant que la Grande guerre et ses millions de morts, ne ternissent l'ambiance générale, le Toulonnais Félix Mayol faisait la joie du monde du spectacle parisien. Durant la Belle Epoque, sa houppette, si caractéristique du personnage, se trimbalait de spectacles en spectacles, et entraînait avec elle un succès retentissant. Mais avant de devenir une vedette de la chanson française, Félix Mayol fut un enfant puis u n adolescent toulonnais, né le 18 novembre 1872, d'un père premier maître canonnier dans la marine et d'une mère modiste. Tous deux étaient comédiens amateurs et Mayol fut en quelque sorte un enfant de la balle, à l'aise très rapidement pour pousser la chansonnette. Orphelin à 13 ans il est recueilli par son oncle qui le pousse à apprendre le métier de cuisinier. Le jeune garçon continue pourtant à chanter en cachette en se produisant au grand café concert de Toulon sous le pseudonyme de "Petit Ludovic". Son tuteur l'oblige à s'engager dans la marine où il est victime d'une chute et se voit définitivement réformé.
Le 1er mai 1895, il arrive à Paris où il rencontre une amie qui lui remet du muguet, conformément à la tradition, et le soir-même, la plante accrochée à la boutonnière, Félix décroche un contrat de trois ans dans une troupe du Concert parisien, une petite scène située dans le 10ème arrondissement. Désormais, c'est donc comme cela qu'il se produira : avec sa houppette et son brin de muguet. Félix Mayol est volontairement reconnaissable et caricaturable par les spectateurs et les journalistes de l'époque. Chanteur comique, il interprète des chansons dans la veine réaliste ainsi qu'un répertoire plutôt grivois.
Et quand, après la Première Guerre mondiale, revenu à Toulon, Mayol acceptera de financer un stade pour les rugbymen locaux, le club nommera le stade à son nom et dessinera l'emblème à son image, c'est-à-dire ornée d'un bouquet de muguet. En attendant, Félix a une carrière à construire et quitte en 1900 le Concert parisien, la salle où il a débuté, pour rejoindre La Scala, la plus importante salle du Paris d'alors. Sa carrière finit par exploser en 1902 avec son titre le plus connu, Viens Poupoule, qui le consacre comme "la plus grande vedette du moment", selon le réalisateur Luc Benito. L'air du titre, que chacun peut reprendre de l'aveu de Mayol, le rend populaire et son chanteur avec lui. A la ville, ce sont pourtant les hommes qu'il préfère : "il était homosexuel, il ne le cachait pas à son entourage, mais ne l'a pas révélé au public. Son orientation sexuelle lui vaudra de nombreuses railleries de la part de presse à scandale de l'époque", explique le fin connaisseur de Mayol. Malgré les moqueries, Mayol grimpe les marches de la gloire. Comme un symbole, en 1910, l'artiste rachète le théâtre de ses débuts, le Concert parisien, qu'il renomme en Concert Mayol et fait monter de nouveaux artistes. Le succès est total. Si, réformé, il ne prend pas part aux combats de la Première Guerre mondiale, Félix Mayol sillonne la France pour soutenir les troupes. Ce qui semble marcher au regard des nombreux mots laissés par les soldats et officiers sur son carnet de route. Les poilus sont ravis de voir la vedette mouiller le maillot et lui, continue à faire ce qu'il aime, c'est-à-dire chanter.
Mayol et sa troupe, affiche d'Adrien Barrère, 1915 (Wikipédia)
Après la guerre, la nouvelle époque qui débute, celle du music-hall et des Années folles, n'est plus la sienne. Le Toulonnais est ringardisé par les artistes dont il a participé à l'éclosion, comme Maurice Chevalier, avec qui il sera ami et les toulonnais Raimu et Valentin Sardou. Le chanteur au muguet retourne dans sa ville natale en 1918 et commence, dès 1930, des tournées d'adieux qu'il mène à bien chaque année. Aussi, il monte à Toulon un théâtre à ciel ouvert dans l'une de ses vingt villas où viennent se produire chaque été des artistes en vogue. C'est le octobre 26 octobre 1941 qu'il tirera définitivement sa dernière révérence, après un AVC en 1938 qui l'avait laissé paralysé des deux jambes.
Source : D'après un article de france3-regions.francetvinfo.fr - Auteur de l'article Martin Fort
Viens Poupoule (1902)
Les mains de femme (1932)