Phénomènes météorologiques au fil des registres paroissiaux
Il arrive parfois que l'on trouve dans les registres paroissiaux (tenus par les curés), en plus des mentions habituelles des baptêmes, mariages et sépultures, des notes personnelles. Ces annotations concernent un évènement survenu dans la paroisse, un fait historique, un phénomène météorologique, etc..., tout ce que le curé jugeait important d'être mentionné. C'est ainsi que l'on peut lire qu'à Saint-Zacharie, du 14 juin au 22 juillet 1783, "il a régné presque partout une fumée à laquelle on n'osait pas donner le nom de brouillard, parce qu'elle n'avait rien d'humide, laquelle fumée interceptait la lumière, et ne laissait cours qu'à une chaleur excessive, qui avait résisté à tous les vents et à la pluye (pluie). Elle a cédé à l'orage du 22 juillet à 11 heures". A peu près à la même époque, le curé de Montmeyan fait le même constat : "Un brouillard extraordinaire a régné pendant le mois, depuis le commencement de juin 1783, jusques en septembre, jour et nuit, obscurcissant la lumière du soleil, interceptant ses rayons et ne laissant entrevoir que le disque, comme un grand globe de feu. Ce brouillard fixe et immobile, planait au-dessus des nuages, sans jamais se mêler avec eux". Le curé de Montmeyan ajoute que "les physiciens ont conclu que ce pouvait être l'effet des volcans qui s'étaient ouverts, par de furieux tremblements de terre arrivés cette année dans la Calabre ultérieure, dans le royaume de Naples et en Sicile". L'opinion éclairée de cet érudit local pourra surprendre. Certes, le brave curé de Montmeyan, qui était alors un hameau qui ne comptait à l'époque que 650 habitants, est plus calé en volcanologie qu'en géographie. Car, c'est bien d'une éruption volcanique dont il s'agissait. En revanche, elle n'a pas eu lieu dans la botte italienne, mais en Irlande, à Laki, le 8 juin 1783. Elle est à l'origine d'une des plus importantes pertubations climatiques du dernier millénaire. Au Royaume-Uni, l'été 1783 est connu comme "l'été de sable", en raison des abondantes pluies de cendres qu'elle provoqua. L'épanchement des gaz donna naissance à travers l'Europe à un phénomène connu sous le nom de "Brouillard de Laki".
Eruption du Eyjafjallajökull en Islande le 20 avril 2010
Les frasques du Laki (8 juin 1783), du Krakatoa (27 août 1883), du mont Saint-Helens (18 mai 1980), du Pinatubo (7 juin 1991) ont, en tous les cas jusqu'à ce jour, été nettement plus désastreuses que celles de l'Eyjafjallajökull (20 avril 2010). Si la précision de ces observations volcano-météorologiques laissent quelque peu à désirer, que dire de l'approche d'un tout autre phénomène cosmographique, constaté en 1619, par le curé de La Garde-Freinet, lequel déclare avoir vu "une estelle guettant un long rayon en forme de verges et une autre dans l'espace de 7 à 8 jours, en forme de coutellas". On pense évidemment à une comète qui, en l'occurence n'a pu être celle de Halley, puisque cette dernière apparaît, d'une façon cyclique, assez régulière (environ tous les 76 ans) et qu'elle a été officiellement observée en 1607 et 1682. Ceci dit, au Siècle des Lumières, les Encyclopédistes n'étaient pas les seuls à s'intéresser à l'ensemble des domaines scientifiques. Deux ans seulement avant l'éruption du volcan islandais, le 23 août 1781, un botaniste de Cotignac, Louis Gérard, avait adressé au Directeur Adjoint de l'Observatroire de Marseille, de judicieuses observations sur l'olivier, nous dévoilant une Provence qui participait à l'activité scientifique et s'intéressait aux travaux de Georges-Louis Leclerc de Buffon. C'est ce même Louis Gérard qui fut d'ailleurs élu, en 1796, à l'Académie des Sciences.
Source : D'après un article de Félix Poussibet paru dans le Bulletin de l'Association généalogique du Var.
Schéma de propagation des fumées émises lors de l'éruption du Laki
Précisions sur l'éruption du Laki
"Sur une distance de 25 km, on trouve 130 cratères qui émirent 14 milliards de m3 de lave basaltique, d'acide fluorhydrique et de dioxyde de soufre, entre 1783 et 1784, causant l'éruption volcanique la plus importante des temps historiques, avec des conséquences catastrophiques pour l'Islande et des très importantes perturbations météorologiques en Europe".
L’éruption commença le 8 juin 1783. Au début elle fut explosive, puis elle continua en émission de lave pendant des mois, jusqu’en février 1784. Les cendres recouvrirent l’île, et de 50% à 80% des animaux d’élevages moururent. La famine qui suivit décima environ 20% de la population islandaise. En cet été 1783, un anticyclone puissant et centré durablement sur le nord de l'Atlantique envoya les fumées vers le reste de l’Europe. Il faut savoir que "l’on estime que 122 millions de tonnes de dioxyde de soufre furent émis dans l'atmosphère, l'équivalent de trois fois les émissions industrielles annuelles en Europe et l'équivalent d'une éruption comme celle du Mont Pinatubo en 1991 tous les 3 jours. L'émission de dioxyde de soufre coïncidant avec des conditions climatiques inhabituelles provoqua un épais brouillard sulfuré qui se répandit à travers l'Europe occidentale, provoquant des milliers de morts durant 1783 et l'hiver 1784".
Un nuage de poussière recouvrit les 2/3 de la France et se déposa en partie au sol. C'était exceptionnel, car ces poussières sont normalement en suspension très haut dans l'air et en faibles quantités. Les années qui ont suivi l'éruption du Laki en 1783 furent marquées par des phénomènes météo extrêmes, dont des sécheresses et des hivers très rigoureux, puisqu’on disait que le pain et la viande gelaient sur la table de la cuisine et les corbeaux en plein vol. On vit une accentuation du petit âge glaciaire. La ligne de grain orageux qui traversa la France du sud au nord, en été 1788, détruisit presque toutes les récoltes du pays. On pesa des grêlons de 10 livres (5 kgs).
La situation des paysans fut si désespérée que la révolution éclata en 1789. Ces modifications climatiques et le volcan Laki ne sont peut-être pas seuls en cause, mais les historiens admettent que leur influence fut considérable dans les événements politiques qui mirent fin à la royauté. On estime que le nuage de cendre modifia le régime des moussons en Afrique, faisant baisser le niveau du Nil et l’irrigation de la plaine céréalière d’Egypte.
Source : Les blogs - Les hommes libres. En savoir plus : http://www.gisclimat.fr/sites/default/files/Laki.pdf