Remède contre la rage
Remede contre la rage pris dans la feuille du courrier d'avignon du 28 septembre 1764, ou recette d'une poudre infaillible contre la rage qui a été procurée par la Société Royale d'agriculture de la généralité de tours.
Les accidents que cause souvent la morsure des chiens enragés sur les hommes et sur les bestiaux ont engagé cette compagnie à faire imprimer, en faveur de l’économie rurale, la recette d’une poudre infaillible contre la rage. Comme tout ce qui interpelle l’humanité mérite d’avoir place dans cette feuille, on s’empresse de faire part de cette recette au public ; et on invite les curés, chirurgiens et autres personnes charitables à faire la préparation de cette poudre conformément au procédé ci-après, afin d’être en état de prévenir les funestes accidents qui arrivent fréquemment dans les villes et les campagnes ; et pour épargnier des voyages dispendieux et préjudiciables à de pauvres familles.
Vers la pleine lune de juin, lorsque les plantes sont en fleur, ou entre fleur et graine, on cueille chacune séparément les treize plantes suivantes : l’armoise, l’absynthe, la bétoine, la petite centaurée, la petite menthe ou pouillot, le millepertuis, la melisse ou piment, le grand plantain, le polypode de chenes avec les racines, la reine des prés, la rue, la verveine et la menue sauge. Il faut faire sécher toutes ces plantes à l’ombre chacune à part et les piler ensuite aussi chacune à part. Lorsqu’elles sont pulvérisées, il faut les mêler à poids égal de chacune, et après les avoir incorporées ensemble, les mettre et les garder pour le besoin dans un pot de terre neuf, non vernissé, couvert d’un bouchon de liège avec un ou deux parchemins par dessus pour pulvériser les dites plantes avec leur brin ou tiges, fleurs et feuilles on se sert d’une pile à piler le millet, et on les passe plusieurs fois au tamis commun, faisant en sorte que la plus fine poudre ne s’évapore point.
Il faut renouveler les dites poudres tous les ans. La dose pour un homme ou une femme est d’une gros et demi ; pour les enfants d’un demi-gros, et au dessus de l’enfance d’un gros. Il faut prendre cette poudre trois jours de suite à jeun, une dose chaque jour ; On la fait infuser dès le soir dans un grand verre de vin blanc vieux ; elle doit inhiler environ douze heures. Le matin on brouille bien le tout avant que de l’avaler, afin de prendre la poudre avec la liqueur ; S’il reste de la poudre attachée au vase, il faut y passer un peu de vin, afin de tout prendre. Après que l’on a pris le remède, il faut rester au lit pendant quatre heures, le bien couvrir pour donner lieu à la sueur ; Si elle survient, il ne faut point se lever, ni boire, ni manger, et ne point changer de linge qu’elle ne soit passée. On doit aussi avoir soin pendant sept jour d’égratigner légèrement une fois par jour la playe ou meurtrissure, s’il y en a, pour que le sang paroisse, et bien bassiner cette playe avec du bon vin blanc vieux, dans lequel on aura fait dissoudre autant de sel que le vin en pourra fondre. On donne aussi aux animaux ces mêmes poudres infusées pendant douze heures dans le vin, et la dose en est plus ou moins forte selon leur grosseur. On ne donne point à manger aux bestiaux huit heures avant de leur faire prendre le remède, on les laisse bien clos et fermés pendant quatre heures après qu’ils l’ont pris, et ensuite on leur donne à manger.
Comme les chiens ne peuvent souffrir le vin, on leur fait prendre les trois prises infusées aussi pendant douze heures dans du lait, que l’on a fait bouillir dès le soir, de crainte qu’il ne se caille. La dose pour les chiens est d’un gros et demi de chaque prise.
Source : Registre paroissial de Seyne, hameau de Saint Pons (Alpes-de-Haute-Provence) 1744-1792.