Saint-Raphaël, un ange veille sur la ville
L'archange Raphaël et Tobie par Domenico Zampieri, dit Le Dominiquin
Saint-Raphaël : pourquoi un tel nom pour une localité ? Seules deux communes françaises portent ce nom, comptant d'une manière étonnante le même nombre d'habitants au XVIIIe siècle, entre 300 et 350. Située en Dordogne, la seconde n'abrite plus désormais que 115 personnes. Saint Gabriel est encore moins honoré avec un village normand tandis que saint Michel est plus populaire patronnant 20 communes de France. La première trace écrite de la commune remonte à l'an 1041 : les chanoines de Fréjus font donation à l'abbaye de Montmajour, d'un lieu-dit "Saint Raphaël" du nom de l'église dédiée à l'archange ; cette église est l'édifice pré-roman, probablement construit au VIe siècle et retrouvé dans l'actuelle "vieille église" datée des XIIe-XIIIe siècles. L'ancienne église conserve un bas-relief en pierre daté de 1261, représentant l'évêque de Fréjus, Bertrand, accompagné de saint Raphaël. L'appelation "église des Templiers" est un mythe, une falsification de l'Histoire : l'église de San Raféu n'a jamais porté ce nom ; les Templiers n'ont jamais marqué les lieux de leur présence, tout au plus auraient-ils perçu la dîme, à une époque d'ailleurs inconnue. Si la commune s'appelle encore Saint-Raphaël (hormis une minuscule et tardive parenthèse révolutionnaire du 14 février 1794 au 30 mai 1795 où le village prend le nom de Barraston, en l'honneur de Barras, conventionnel de renom, né à Fox-Amphoux et qui n'a jamais mis les pieds à Saint-Raphaël...), elle le doit uniquement à sa petite église placée sous le vocable de l'Archange. Celle-ci est le lieu identifiant du gros hameau de l'époque.
Enregistré en 1670, le premier blason est presque identique à l'actuel, Raphaël accompagnant le jeune Tobie, en le tenant par la main. Pourquoi Saint-Raphaël ? Le culte des trois archanges est attesté dès la primitive église : l'impératrice Hélène, mère de Constantin, fait ériger plusieurs églises en leur honneur, en Terre Sainte. On les appelle "les chevaliers servants de l'Eglise". Dès les tous premiers siècles, la vie des saints abonde en apparitions et protections angéliques, où l'Histoire se mêle à la légende, sans que l'on puisse systématiquement remettre en cause la véracité de ces manifestations. Dès le Ve siècle, les trois archanges sont célébrés solennellement le 29 septembre. A la même époque, saint Magnus, évêque d'Héraclée, fut obligé à la suite de l'invasion de cette ville par les Barbares, de chercher refuge dans les lagunes vénitiennes. Selon une tradition constante, saint Raphaël lui apparut et lui ordonna de lui ériger une église dans un lieu qui devient plus tard un quartier de Venise appelé Dorso duro. C'est probablement pour son rôle protecteur que les habitants ont placé leur modeste village sous le patronage de Raphaël : le littoral des Maures et de l'Estérel est durant plusieurs siècles le théatre de pillages, de massacres, d'incendies et d'enlèvement par différentes tribus barbares venues d'Europe centrale. A cette déferlante succèdent les innombrables razzias des Sarrasins. La proximité de la prospère abbaye de Lérins constitue un risque supplémentaire pour les populations voisines. L'abbaye sera prise et saccagée à plusieurs reprises et ses moines seront massacrés par centaines vers l'an 730. Seuls quatre d'entre eux, réduits en esclavage, survivront en faussant compagnie à leurs geôliers, lors d'une étape en baie d'Agay. Aujourd'hui encore, saint Raphaël veille sur les habitants du village, devenu cité balnéaire, puis ville.
L'archange Raphaël et Tobie - Statue à l'entrée du nouveau port
Source : Magazine "La voix de Saint-Raphaël" N°31 été 2015 - Eglise Fréjus-Toulon.