Le 31 octobre 1875, le Magenta explose avec son trésor dans la rade de Toulon
Navire le Magenta à Brest (Gravure Wikipédia)
Très découpée, la côte varoise a été la scène de nombreux naufrages depuis l'Antiquité. Celui du Magenta, navire cuirassé de la Marine Nationale est resté dans les annales. En effet, dans la nuit du 31 octobre 1875, le navire mouillé en rade de Toulon, explose à la suite d'un incendie, sans faire de victime. Avec ses 100 mètres de long, sa coque en bois recouverte de 12 centimètres d'acier et sa propulsion mécanique mixte, le Magenta, construit à Brest entre 1859 et 1861, est le plus grand bâtiment de cette conception réalisé en France. Dans ses soutes, ont été chargés 46 caisses remplies de 2 080 stèles puniques ainsi que la statue de l'impératrice Sabine, petite-nièce de l'empereur romain Trajan. Un trésor que les scaphandriers, puis les plongeurs sous-marins auront bien du mal à retrouver au vu des nombreux dégâts subis par le cuirassé. Faisons un retour en arrière sur cette tragédie qui n'a toujours pas révélé tous ses trésors.
Dans le but d'enrichir les collections du Musée du Louvre, la France, par le biais de son ministère de l'Instruction publique et de l'Académie des inscriptions et belles lettres, donne mandat à l'archéologue Jean-Baptiste Pricot de Sainte Marie (1843-1899)*, alors interprète du consulat général de France à Tunis, pour la réalisation de campagnes de fouilles à Carthage, cité phare des Phéniciens en Tunisie. Ces fouilles seront entreprises au nord du Tophet - nécropole légendaire - sur plusieurs murs datant des romains. C'est à cet endroit que les Carthaginois honoraient les dieux protecteurs de la ville c'est-à-dire, Baal Hamon, seigneur de l'autel des parfums, et Tanit péné Baal. Ils leur sacrifiaient les premiers nés des grandes familles. C'est à partir du IIe siècle que le culte s'est tourné vers les animaux : moutons ou béliers. Autant de représentations ornant les 2 600 stèles qui seront extraites du site. Toutes taillées dans du calcaire, elles sont décorées ou couvertes d'inscriptions sur une seule face. Mais les trouvailles ne s'arrêtent pas là. L'archéologue découvre aussi une pure merveille : une statue en marbre haute de 2.10 mètres de l'impératrice Sabine, épouse de l'empereur romain Hadrien. Brisée en 6 morceaux, elle est pratiquement entière. Rapidement identifiée, "la statue fut érigée vers 127-128 après J-C. en prévision des fêtes célébrant les dix dernières années de règne de l'Empereur. L'analyse du marbre a permis de déterminer sa provenance depuis les carrières du Cap Vathy sur l'île de Thassos en Grèce", précisent les spécialistes. Il faudra attendre presque un an pour que la dernière partie des antiquités soit embarquée sur le Magenta pour rentrer à Toulon. Soit au total 2 080 stèles puniques et la statue.
Toulon, le 31 octobre 1875 : une explosion spectaculaire.
Le 31 octobre 1875, le Magenta est au mouillage dans la rade est de Toulon, face au bassin Vauban. Sa cargaison n'a pas encore été débarquée. Et voilà que dans la nuit, le feu prend à l'arrière du navire. Malgré tous les efforts fournis par l'équipage, l'incendie n'a pas été maîtrisé. Il progresse dangereusement jusqu'à son stock de poudre : 20 tonnes ont été embarquées. Puis, vers 3 heures du matin la frégate explose. Sur les quais, des centaines de Toulonnais assistent impuissants au tragique spectacle. La déflagration est tellement puissante qu'elle souffle tous les becs de gaz de la ville. A l'Arsenal, 20 000 vitres brisées devront être remplacées. Le Magenta coule par 12 mètres de fond, laissant encore apparaître ses superstructures. La Marine Nationale récupère avec l'aide de scaphandriers une partie de la cargaison soit près de 1 500 stèles. Ces stèles étaient placées à l'avant du bateau et elles ont ainsi été en partie préservées. Si certaines ont été noircies par la combustion, beaucoup sont intactes. Par contre, la tête de la statue, une partie de son bassin et un pan de vêtement restent introuvables. Les recherches s'arrêtent. Le navire est dynamité pour libérer le passage.
La statue de l'impératrice Sabine provenant de la fouille de Pricot de Sainte Marie, détruite lors du naufrage. Et, à droite, le visage retrouvé en 1995 et non remis en place car noirci par l'incendie. Cette statue se trouve au musée du Louvre (Photo wikipédia)
Toulon, le 27 avril 1995 : des plongées pour trouver d'autres vestiges.
"J'ai orienté mes recherches sur le coffre d'amarrage du Magenta. J'avais lu de nombreuses correspondances officielles indiquant que l'épave se situait à l'aplomb de ce dernier. Nous avions des craintes que les aménagements pour la construction du bassin Vauban empiétant de plus de 1 500 mètres sur la mer aient recouvert l'épave. Il n'en est rien", raconte Max Guérout, directeur des opérations du Groupe de recherche en archéologie navale (Gran). Créé en 1982 et présidé par le commandant Philippe Talliez, le Gran, installé à Toulon, regroupe une équipe d'archéologues, d'historiens, de spécialistes de la plongée et de l'intervention sous la mer, et d'experts de disciplines diverses. Contacté en 1993 par l'archéologue Jean-Pierre Laporte pour récupérer le reste de la cargaison du Magenta, le Gran localise l'épave en avril 1994. Trois campagnes archéologiques sont organisées entre 1995 et 1998 par Max Guérout. Le département du Var soutient le Gran et participe en financement de ces opérations. Le 10 mai 1995, après 13 jours de plongée, l'incroyable, l'inespéré se produit. "C'étaient des plongées difficiles de par la nature du bateau qui était blindé. Trouver quelque chose sous ce blindage ou parmi lui, rendait les recherches compliquées" explique Guy Martin, plongeur et photographe pour le Gran. "Après des repérages, nous avons fouillé une petite zone de quatre mètres sur quatre définie par Max Guérout. Dans cette vase, nous utilisions des suceuses, des aspirateurs. Nous étions rapidement envahis par les poussières rejetées, nous étions dans le noir absolu. Donc, nos fouilles progressaient à tâtons. Là, sous une plaque en acier, j'ai touché une pierre dans une cavité d'un mètre de profondeur. Je l'ai mise de côté et continué mes fouilles. J'ai regardé l'heure sur mon profondimètre. J'ai récupéré la pierre mise de côté. C'est en remontant à la surface, l'eau s'éclaicissant et la poussière s'évacuant sur ma trouvaille que la pierre s'est transformée en figure. Je suis sorti de l'eau en brandissant en l'air la tête de Sabine. On était tous fous de joie", raconte l'inventeur de la découverte. Au total sur les 3 campagnes, 7 éléments de la statue romaine et 85 stèles ou fragments puniques datant du IIe siècle avant J-C. seront remontés de leur sarcophage blindé. Exposée au Musée du Louvre depuis 1997, la tête de Sabine est présentée, telle qu'elle a été trouvée, noircie par l'incendie, à côté de la statue en partie revonstituée.
Source : D'après un article paru dans le magazine "Le Var" N°5 Eté 2018 édité par le Conseil départemental du Var.
La tête de Sabine trouvée par le plongeur Guy Martin
Complément :
* Jean-Baptiste Evariste Charles Pricot de Sainte-Marie, né le 1er octobre 1843 à Paris et mort le 10 février 1899 à Madrid est diplomate, archéologue et épigraphe. Il est le fils de Jean-Baptiste Evrariste Marie Pricot de Sainte-Marie officier et géographe. Par ses explorations, il est l'un des pionniers de l'archéologie dans la régence de Tunis. Son nom reste attaché au site archéologique de Carthage ainsi qu'au cuirassé de la Marine Nationale : le Magenta, qui coula au large de Toulon le 31 octobre 1875 avec une partie de ses antiquités et qui a fait l'objet de fouilles archéologiques sous-marines entre 1995 et 1998.
Source : Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Si vous voulez tout savoir sur le Magenta, allez sur le lien ci-dessous.
La Magenta était une frégate cuirassée lancée en 1861 à Brest pour la Marine française. Affectée comme navire amiral de la flotte française de Méditerranée dès 1865, elle passe par le Mexique en 1867 avant d'être mise à quai pour le changement de son artillerie.
Et si vous voulez voir les objets remontés du Magenta, j'ai trouvé ce lien (dessous) pour vous, les curieux qui lisent mon blog :
Pour les journées du patrimoine 2015 le musée a proposé une exposition (qui dure encore en ce 5 octobre) d'un certain nombre d'objets issus des fouilles effectuées à partir de 1995 et conduites par le Groupe de Recherches en Archéologie Navale (GRAN) de Toulon sur les restes de l'épave du Magenta coulé en 1875 après un incendie et une explosion extraordinaire.
http://www.museedumas.fr