La bastide
Bastide provençale du domaine d'Orves à La Valette du Var (Photo Wikipédia)
Une bastide est au sens premier une exploitation agricole appartenant à la bourgeoisie (XVIIème et XVIIIème siècles), et au sens dérivé une maison de maître (XIXème siècle).
Bastide au Jas de Bouffan à Aix-en-Provence (Photo Wikipédia)
Aux XVIIème et XVIIIème siècles, la bourgeoisie urbaine, enrichie par le commerce et la fonction publique, acquiert des terres où elle installe des villégiatures champêtres. Ces nouveaux domaines sont de véritables entreprises agricoles à l'activité bien définie : élevage, vigne, cultures maraîchères, etc... Ils comportent la maison du maître et la maison de l'intendant ou régisseur, ainsi que des dépendances considérables et des logements en grand nombre pour les ouvriers. Lorsque la maison du maître est non pas sous le même toit que la maison du fermier ou du métayer mais nettement séparée de cette dernière, il s'agit d'une bastide. Ce type, répandu dans le pays d'Aix et la région de Rognes, se rencontre également à l'extérieur de cette zone, jusqu'à Jouques (Bouches-du-Rhône), Pertuis (Vaucluse) et le Haut-Var. Au sens propre, la bastide est la maison du maître, la résidence secondaire, et au sens élargi l'ensemble de cette dernière et de l'exploitation agricole avec sa maison de ferme.
Bastide en Provence (Carte postale collection Nadine)
La bastide, où seul réside le maître, se présente comme un bâtiment isolé, généralement imposant sous une couverture à quatre eaux. Sa façade, à l'ordonnance symétrique, est traitée dans le goût noble de son époque. Avec le temps, la bastide et ses bâtiments ruraux ont subi des transformations importantes sur un siècle ou deux, comme l'atteste l'étude de leurs archives. Il arrive que la bastide elle-même se soit transformée en exploitation rurale lorsque le propriétaire urbain n'a plus eu que la ressource d'exploiter lui-même son domaine. Ce type de maison représente un stade d'évolution que l'auteur lui-même (Fernand Benoît) définit comme "maison à terre" par opposition à la "maison en hauteur" propre au village ou à la ville. Il est caractéristique de l'habitat dispersé des pays de "riche culture".
La bastide est divisée en deux parties très distinctes dans le sens de la longueur. Le rez-de-chaussée est occupé par une salle commune dans laquelle est intégrée la cuisine. A l'arrière se trouve un cellier contenant la réserve de vin et une chambre. Un étroit couloir, qui permet d'accéder à l'étage, sépare cet ensemble de la seconde partie réservée aux bêtes. Celle-ci se compose, dans la plupart des cas, d'une remise qui peut servir d'écurie et d'une étable. L'étage est réservé aux chambres et au grenier à foin qui correspond par une trombe (colonne) avec l'étable et l'écurie. A cet ensemble s'ajoutaient des annexes. Une des principales était la tour du pigeonnier, mais la maison se prolongeait aussi d'une soue à cochons, d'une lapinière, d'un poulaillier et d'une bergerie. Alors qu'aucune maison en hauteur ne disposait de lieu d'aisance, même en ville, la maison à terre permet d'installer ces "lieux" à l'extérieur de l'habitation. Jusqu'au milieu du XXème siècle, c'était un simple abri en planches recouvert de roseaux (canisses) dont l'évacuation se faisait directement sur la fosse à purin ou sur le fumier.
Maison provençale agrémentée d'une treille à Saint-Didier - Vaucluse (Photo internet)
La construction d'un tel ensemble étant étalée dans le temps, il n'y avait aucune conception architecturale pré-établie. Chaque propriétaire agissait selon ses nécessités et dans l'ordre de ses priorités. Ce qui permet de voir aujourd'hui l'hétérogénéité de chaque ensemble où les toitures de chaque bâtiments se chevauchent généralement en dégradé. Chaque maison se personnalisait aussi par son aménagement extérieur. Il y avait pourtant deux constantes. La première était la nécessité d'une treille toujours installée pour protéger l'entrée. Son feuillage filtrait les rayons de soleil l'été, et dès l'automne la chute des feuilles permettait une plus grande luminosité dans la salle commune. La seconde était le puits toujours situé à proximité. Il était soit recouvert d'une construction de pierres sèches en encorbellement qui se fermait par une porte de bois, soit surmonté par deux piliers soutenant un linteau où était accrochée une poulie permettant de faire descendre un seau. L'approvisionnement en eau était très souvent complété par une citerne qui recueillait les eaux de pluie de la toiture.
Pigeonnier avec ses carreaux vernissés pour empêcher les rongeurs de grimper à l'intérieur (Photo internet)
Le pigeonnier devint après la période révolutionnaire, la partie emblématique de ce type d'habitat puisque sa construction signifiait la fin des droits seigneuriaux, celui-ci étant jusqu'alors réservé aux seules maisons nobles. Il était soit directement accolé à la maison soit indépendant d'elle. Toujours de dimension considérable, puisqu'il était censé ennoblir l'habitat, il s'élevait sur deux étages, le dernier étant seul réservé aux pigeons. Pour protéger ceux-ci d'une invasion de rongeurs, son accès était toujours protégé par un revêtement de carreaux vernissés qui les empêchait d'accéder à l'intérieur.
Sources : Fernand Benoît - La Provence et le Comtat Venaissin. Arts et traditions populaires, Éd. Aubanel 1992 et Jean-Luc Massot, Maisons rurales et vie paysanne en Provence. L'habitat en ordre dispersé, Éditions SERG, Paris, 1975