Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Passion Provence
Passion Provence
  • Bienvenue chez moi à Trans en Provence dans le Var. Je vous invite à la découverte de la Provence et du Var en particulier à travers son histoire, son patrimoine, ses traditions, ses coutumes, ses légendes, etc...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
292 abonnés
Archives
3 octobre 2020

L'histoire de la sardine qui a bouché le port de Marseille

 

Claude-Joseph-Vernel-Entree-du-port-de-Marseille

L'entrée du port de Marseille par Claude Joseph Vernet (1754) musée du Louvre.

Nota : Ce tableau qui date de 1754 décrit le port de Marseille tel qu’il était à l’époque. La série des Ports de France a été commandée pour le roi de France en 1753 par le marquis de Marigny, intendant des Bâtiments du roi. Les deux tableaux du port de Marseille (voir l'autre ci-dessous) ont été peints entre octobre 1753 et septembre 1754. Celui qui est présenté est conservé au Musée du Louvre à Paris.

**********************************************

Imaginez, en 1780, sous le règne de Louis XVI, le vieux port de Marseille : de gros navires à quai, d’autres croisant au large entre le château d’If et le Fort Saint Jean. Imaginez les quais encombrés de marchandises : tonneaux de vin de Bandol, de Provence, du Comtat Venaissin..., des fûts d’huile d’olive des Baux ou du haut pays..., des poteries d’Aubagne, des ballots de laine des Alpes..., et aussi de riches soieries d’Orient, des fruits venus d’ailleurs, des bois précieux d’Afrique... Imaginez le soleil du mois de mai qui chauffe les têtes et met le feu dans les coeurs et les gosiers... Regardez ces magnifiques bateaux qu’on charge et qu’on décharge, le va-et-vient des portefaix, les cris des charretiers, la colère des capitaines de navires, le souci des armateurs... Regardez tout ce petit peuple qui vit du port et sur le port : hommes de peine, ouvriers charpentiers de marine, marins, pêcheurs de girelles ou de poulpes, demoiselles galantes, marchandes de poissons et leurs paniers, enfants chapardeurs d’oranges... mais aussi les bonnets rouges des bagnards de l’arsenal des galères... Mais regardez aussi les belles dames en habits dorés, les gentilshommes traînant leurs perruques et leurs épées, les commis de négoce et les ecclésiastiques à larges chapeaux... Remontez la Canebière, vous y rencontrerez des entrepôts, des remises, des écuries, des tavernes, d'accueillantes maisons à lanternes rouges, des églises pour y aller prier et pour vous y confesser. Dans ce Marseille cosmopolite, toutes les langues se mélangent, on se parle en provençal, on se dispute en sicilien, on fait des affaires en grec, on marchande en arabe, on négocie en catalan... et tout ça dans une odeur de fruit, de poisson, de thym, de lavande et de de crottin de cheval mélangé ! Bref, tout ce qui fait la splendeur de Marseille.

Antoine_de_Sartine

 Portrait d'Antoine de Sartine par Joseph Boze, 1787 (Musée Lambinet, Versailles).

Un personnage important gère la ville. Tout le monde lui obéit et exécute ses ordres : les consuls, le gouverneur, l’archevêque. Tous lui rendent les honneurs qu’il convient à son rang et ne peuvent enfreindre les désirs et les ordres de ce si puissant seigneur. Il s'agit du ministre de la Marine au Conseil du Roi, Monsieur le Comte de Sartines, qui est aussi le plus puissant armateur de Barcelone à Gênes. En toute modestie, le fleuron de sa flotte, un magnifique navire marchand, a été baptisé le "de Sartines". Il est si beau et si imposant que même les pirates barbaresques n’osent l’attaquer ! Cette merveille est commandée par le Chevalier de Peil ("poisson" en provençal), solide officier très expérimenté, bien connu sur toutes les côtes du pourtour de la Méditerranée. Ce 19 mai 1780, les cales du navire sont remplies à ras bords de marchandises diverses à destination de Constantinople. Le départ est prévu pour le lendemain à l’aube et l’équipage consigné depuis la veille est déjà aux ordres. Le mardi soir, un violent mistral se lève. L’orientation de la passe entre le fort Saint Nicolas et le fort Saint Jean qui lui fait face empêche toute manoeuvre de sortie du port. Il faut attendre et calmer l’équipage. Le vent souffle en tempête pendant trois jours.

Port-Marseillef

Intérieur du port de Marseille par Claude Joseph Vernet (1754)

Le samedi matin enfin, le vent tombe mais la mer reste très grosse. Le capitaine et son bosco, très sûrs de leurs talents de manoeuvriers, décident de la sortie. Le navire sort tout doucement de son appontement et se présente devant la passe... Au droit de Saint Nicolas, une première vague met le bâtiment en travers, la seconde le couche et la troisième l’envoie par le fond. De la merveille flottante il ne reste plus que le bout des mâts émergeant au-dessus des flots. Il n'y a pas de victime à déplorer car tous ont pu rejoindre les quais à la nage et sont sains et saufs. Seulement après cet épisode malheureux voilà que tout Marseille s’esclaffe, se raconte l’affaire, brode autour du naufrage. Il y a même les paysans d’Allauch et de Plan de Cuques en route pour le marché d’Aubagne qui se moquent allègrement de ces fichus marins. Tout Marseille rit... mais pas trop longtemps car le navire "le Sartine" bouche bel et bien l'entrée du port. Il est devenu impossible d’y entrer et encore moins d’en sortir. Toute la ville parle de cet événement, le bruit court comme une traînée de poudre : le "de Sartines a bouché le port", le "de Sartines et le Peil ont bouché le port" ! et bientôt, comme de bien entendu, pour des oreilles non averties, "le poisson et la sardine ont bouché le port", puis cela devient, "la sardine a bouché le port" ! Et la rumeur court, enfle et se transforme, envahit bientôt toute la Provence, puis le Languedoc voisin et bientôt même le Dauphiné et le Lyonnais. Encore quelques jours et la France entière se moque de ces braves méridionaux beaux parleurs mais médiocres marins. Mais à la galéjade succède à présent l'inquiétude : plus de bateaux, plus de travail, plus d’argent, plus de pain ! Voilà la situation dans laquelle tout Marseille se trouve. Le peuple gronde ! Le peuple a faim ! Les bourgeois, les notables, les syndics ont beau faire donner des messes à l’église des Accoules ou à celle de Saint Laurent, force est de constater que le bateau bouche toujours le port. Marseille est prête pour la révolte et manifeste bruyamment sa colère. De leurs bastides aixoises les autorités font bien distribuer du pain, du poisson séché, quelques livres de pois chiches... Mais rien n'y fait, le peuple exprime sa colère de plus en plus fort. On fait manoeuvrer quelques régiments venus du Dauphiné, l’Archevêque fait faire de belles homélies..., mais bientôt la disette s’installe avec le désordre. Bien sûr, les services de l’Etat et Monsieur de Sartines ont bien compris qu’il fallait renflouer le bateau, mais comment faire ? Paris envoie en urgence ses meilleurs ingénieurs, mais il faut dix bons jours pour venir de Paris avec tout le matériel... et en attendant... la ville a faim ! Cependant, les ingénieurs parisiens se montrent incapables de résoudre le problème et tout e monde s’en mêle : le Roi, les Ministres, le Gouverneur, l’Abbé de Saint-Victor... Rien de positif ne sort de ces interminables palabres ! De guerre lasse, on s’en va quérir des ingénieurs à Barcelone, puis à Gênes et même en Turquie... Mais au final, personne n'a de solution, le bateau empêche tout mouvement de navire... Et le peuple gronde de plus en plus et a de plus en plus faim. Une rumeur commence à courir petit à petit et à se répandre sur le Vieux Port : "faù ana cerca Molinàri", "faù ana cerca Molinàri" , "faù ana cerca Molinàri a La Cieuta" (il faut aller chercher Molinari à La Ciotat). Les autorités ne sont pas d'accord ! Pensez donc, ce Molinari n’est qu’un petit charpentier de marine, patron d’un petit chantier naval dans la bonne ville de La Ciotat, tisseur de voile et quelquefois fondeur d’ancre de marine. D’ailleurs, les gens de la région l’appelent parfois "le marchand d’ancre". Il a aussi la réputation, entre Marseille et Toulon, de génial inventeur jamais à court d’innovation, jamais à court d'idée. Mais les grands personnages hésitent à faire appel à cet artisan que le peuple réclame si fort, si bruyament.

Le peuple, désoeuvré et sans un liard, a faim, des émeutiers ont mis le feu à quelques belles demeures du côté du quartier Sainte Anne... La haute société commence à avoir peur, mais tergiverse toujours ! Pensez donc ce Molinari n’est qu’un artisan presque analphabète, qu’a-il fait d’autre que de construire des pointus et des tartanes ? Il n’est même pas bourgeois et puis c’est un gavot de l’Ubaye, il ne parle que le provençal des montagnes et si nous le sollicitons, combien cela va-t-il nous coûter ? Mais tout de même, l’idée fait peu à peu son chemin, il faut bien tenter quelque chose. Et enfin, on fait appel à ce Molinari. Ce n’est pas chose aisée, les marseillais ne sont pas des clients faciles, et puis Marseille est à six lieues de La Ciotat, c'est presque le bout du monde ! Mais, les bons gros louis d’or ont un effet immédiat et salutaire sur les réticences du charpentier. Venu à pied d’oeuvre, Molinari évalue rapidement la situation. Et il a une idée géniale : il demande aux syndics de faire tuer cinq mille porcs, de récupèrer leurs boyaux ainsi que leurs vessies ("bouffigues" en provençal). Prestement, il invite 5 000 marseillais à venir sur le port munis de longs tuyaux de cannes (roseaux), face à cette pauvre sardine qui bouche toujours le port ! Des plongeurs courageux placent astucieusement dans le bateau les 5 000 bouffigues et Molinari, tel un chef d’orchestre, demande aux 5 000 marseillais de souffler en cadence pour gonfler les vessies de porc ! Miracle sans nom, le bateau commence à tressaillir, puis à bouger, on voit les trois mâts qui montent peu à peu à la surface, ils s'élèvent à présent vers le ciel. Puis, petit à petit, le navire émerge des flots ! Le pari est gagné ! Le commerce va reprendre et le pain revenir ! Le peuple exulte, la joie est à son comble ! La fête est immense, Molinari est fait marseillais d’honneur et payé grassement pour ses services rendus. Voilà, telle est la (presque) véritable histoire de cette sardine qui a bouché le port et du non moins célèbre Molinari. Elle m’a été racontée par ma grand-mère, née en 1890 à la Seyne-sur-mer, et qui la tenait, elle-même de son aïeule. Mais cette histoire ne serait pas assez belle si elle se terminait ainsi. Nous les provençaux, lorsqu’on ne peut résoudre un problème ou une difficulté quelconque, il nous vient toujours cette expression à la bouche : "faù ana cerca Molinari" et il m'est arrivé lorsque mon patron me demandait quelque chose qui me paraissait impossible à faire, de m’écrier, devant mes collègues ébahis : "il va encore falloir aller chercher Molinari".

Source : D'après un texte paru sur le blog de Christian de Saint François.

J'ai trouvé pour vous une vidéo d'Yves Pujol qui nous explique cette expression marseillaise.


Voici ci-dessous, une autre version légèrement différente que je vous avais présentée en 2016. 

L'histoire de la sardine qui a bouché le port de Marseille - Passion Provence

En 1779, Paul François Jean Nicolas, vicomte de Barras, officier commandant le régiment français d'infanterie de marine de Pondichéry, capturé par les Britanniques l'année d'avant, fut libéré, en vertu d'un accord d'échanges de prisonniers et rapatrié sur une frégate de la marine du roi Louis XVI.
http://www.passionprovence.org

Et enfin, ce que je crois être la véritable histoire du navire qui a bouché le port de Marseille.

Les mésaventures du vaisseau Le Sartine aux Indes Orientales (1776-1780)

En 1775 un armateur de Bordeaux fait construire le vaisseau Le Sartine pour monter une expédition vers les Indes et la Chine. Le vaisseau est d'abord détourné de sa route et de son commerce par un prétendu agent secret du Roi pris à bord et la plus grande part de sa cargaison lui est volée lors de ses premières escales sur la côte de Malabar...
https://www.histoire-genealogie.com
Publicité
Publicité
Commentaires
M
Je connaissais l'histoire de la sardine, Sartine, mais pas celle de Molinari, pourtant cette expression, je l'ai entendu souvent ! <br /> <br /> merci Nadine
Répondre
L
Enfin je connais l'origine de l'expression "aller voir Molinari"<br /> <br /> J'ai beaucoup aimé ton billet et surtout la photo du port de Marseille en 1754, Merci.<br /> <br /> Bises<br /> <br /> Maryse
Répondre
C
trés beau reportage sur l histoire du port de Marseille merci RL
Répondre
Publicité