Histoire des cartes à jouer
Les cartes à jouer sont apparues en Europe à la fin du XIVème siècle, c'est la seule certitude que nous ayons. Très peu de textes et de jeux de cette époque nous sont parvenus et il est donc difficile de savoir qu'elle en est l'origine exacte. Tout ce que nous savons est qu'elles n'ont pas été inventées en Europe. Il est très probable qu'elles soient originaires du Proche-Orient car on retrouve des traces remontant au XIIème ou XIIIème siècle d’un jeu mamelouk dont la forme est très proche du jeu de cartes italien. D'autre part, le nom de certaines figures (naib, malik et thani naib) rappelle le mot italien "naibbe" ainsi que le mot espagnol "naipes", qui désignent les cartes à jouer. A cette époque, les liens entre l’Europe et le Moyen-Orient sont nombreux. Soit par l’Espagne, que les arabes occupent alors ou par les marchands lombards et vénitiens. L’introduction en Europe des jeux de cartes s’est probablement faite par ces deux voies.
Les premières cartes à jouer étaient réservées à une élite fortunée car elles étaient fabriquées et peintes à la main par des artistes reconnus et rehaussées d’or fin. Cependant, les jeux de cartes vont rapidement se démocratiser avec l’utilisation de procédés de fabrication plus économiques : dans un premier temps, les cartes à jouer vont être de très mauvaises qualité, avec des coloriages grossiers au pochoir. Puis, plus tard, avec l'invention de l’imprimerie les progrès seront considérables. Dès 1420, des fabricants Suisses et Allemands produisent des jeux par milliers.
L’engouement pour les jeux de cartes est tel que l’Eglise s’en inquiète et elle fait promulguer de nombreux édits qui vont en interdire l'usage. Dans certaines villes (Bologne en 1423, Nuremberg en 1452), des autodafés de jeux sont organisés.
Le nombre des cartes et leur répartition (cartes de points, figures) se stabilise très tôt. Par contre, les symboles des quatre séries évoluent beaucoup suivant les pays, les époques et les fabricants : animaux, fleurs, objets… Ce n’est que vers la fin du XVème siècle que les symboles encore utilisés de nos jours sont adoptés. Sauf cependant en Italie et en Espagne, dont les cartes utilisent dès le début les bâtons, épées, coupes et deniers hérités des arabes. Jusqu’au début du XIXème siècle, le papier est rare et comme le dos des cartes est blanc à cette époque, on se mit à les utiliser pour écrire des mots doux à sa bien-aimée, en faire des certificats de mariage, des cartes de visite, mais également des reconnaissances de dettes, des réclames, et même des ordres d'incarcération... Il est à souligner que la Révolution les a même utilisées comme monnaie !
C'est ainsi que tous ces usages ont permis de sauver de nombreuses cartes de cette époque. On a de cette façon, retrouvé des notes de Molière, Jean-Jacques Rousseau ou encore Napoléon. Pendant quatre siècles, les procédés de fabrication des cartes n’évoluent pratiquement pas : elles sont imprimées par xylographie (impression à partir d’une gravure sur bois). L’usure rapide du bois impose de petites séries ; la fabrication des cartes à jouer reste donc très artisanale. Durant le XIXème siècle, le métier de cartier va se transformer, et les artisans sont remplacés par des industriels. De nouveaux procédés d’impression permettent de plus grandes séries : lithographie (la pierre remplace le bois), puis offset. Les coins s’arrondissent grâce à une invention acquise et exploitée par B.P. Grimaud, l’opacité et le vernissage des cartes sont perfectionnés pour obtenir des cartes toujours plus durables.
Source : D'après un article paru sur l'Histoire des cartes à jouer - site jeux de cartes.net
*******************
Histoire de cartes à jouer - Quand les notaires rebattaient les cartes
Il n'est pas rare de trouver des cartes à jouer en tournant les feuillets des registres notariaux. Que font donc ces cartes au milieu des minutes notariales ? Ces cartes usagées servaient de signets, de notes ou encore d'étiquettes. C'est au dos de celles-ci que les clercs, lors de la confection des registres à partir des minutes, ont écrit les millésimes, telle l'année 1582 au dos d'un quatre de pique. Objet des plus banals depuis leur apparition au XIVème siècle, les cartes à jouer usagées finissaient souvent par alimenter le foyer domestique sans l'intervention des tabellions. Très rares sont les signes et les marques qui permettent d'en déterminer l'origine : un valet de trèfle est sorti au cours du XVIIème siècle de l'atelier de Pierre Cheminade, marchand cartier à Grenoble. Ce "domestique" est employé par le notaire Richaud à l'extrême fin du règne de Louis XIV. Le fabricant a utilisé la technique de la gravure sur bois coloriée au pochoir ; les autres cartes de l'as au dix étaient simplement coloriées. Passant de la table de jeu à l'écritoire du notaire, les dos des cartes servent alors à des calculs d'argent - en 1757, 29 louis, 14 écus à six livres et quatre petits écus... font une belle somme ! -, tandis que sur d'autres, des notes sont griffonnées : sur un dix de carreau s'étalent au XVIème siècle les titres de Jérôme d'Audiffret, marquis de Gréoux, lieutenant général de l'amirauté du Levant. En revanche, les illustrations sont rares. Ainsi, alors que les guerres de Religion font rage dans le royaume, un clerc dessine à la plume un oiseau au dos d'un dix de carreau, s'inscrivant ainsi dans une tradition solidement implantée dans les études où les registres portent des dessins. Toutes les figures regardent l'Ancien Régime - ce sont bien des rois et des reines avec leurs valets - sauf une, une dame de carreau sur laquelle est écrit au dos, le nom de Louis Fabry et qui, liée à un jeu révolutionnaire, a perdu ses attributs royaux.
Pour multiplier les signets, le notaire a parfois découpé les cartes dans le sens de la hauteur ; rares sont les coupes faites dans la largeur. Et pourtant, au bon temps de Louis XV, un roi de carreau a fini sa vie de carte la tête coupée par Me Blanc, notaire à Entrevaux, régicide avant l'heure ! Le roi était passé à l'as...
Source : Mon département n°4 - Le magazine septembre, octobre 2018 - Les Archives départementales racontent... Histoire de cartes à jouer - Quand les notaires rebattaient les cartes.