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Passion Provence
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  • Bienvenue chez moi à Trans en Provence dans le Var. Je vous invite à la découverte de la Provence et du Var en particulier à travers son histoire, son patrimoine, ses traditions, ses coutumes, ses légendes, etc...
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13 octobre 2014

Piraterie sarrazine et rachat d'esclaves

Esclavage

La recrudescence de la piraterie sarrasine sur les côtes provençales dans le dernier quart du XIVe siècle et les premières années du XVe siècle est un phénomène qui a été bien étudié par les historiens de la Méditerranée médiévale. Attestée par de nombreux documents, elle doit être mise en relation avec la reprise de rapports commerciaux entre les villes littorales de l'Occident chrétien et le royaume hafside* mais aussi avec l'état de conflit quasi permanent qui oppose entre elles les puissances maritimes du moment, favorisant guerre de course, batailles navales et pillages des zones côtières. Les agglomérations du bord de mer vivent ainsi dans une situation quotidienne d'insécurité. La peur d'un débarquement inopiné des Génois, des Catalans ou des Sarrasins incite les plus importantes d'entre elles (Marseille, Toulon, Hyères) à prendre en charge leur propre défense, en fortifiant leurs installations portuaires et en organisant des vigies à partir de points stratégiques. De tous les dangers qui menacent les habitants de la Provence maritime à l'époque du Grand Schisme d'Occident, le plus redouté est celui que constituent les razzias des musulmans, lors des expéditions annuelles que ces derniers lancent à l'assaut du littoral à partir des années 1395 et qui se soldent généralement par des captures. Les victimes sont des marins ou des pêcheurs, pris alors qu'ils naviguent au large, mais aussi des villageois ayant eu la malchance de se trouver sur le rivage lors de l'accostage des pirates. La côte des Maures, rocheuse et découpée, propice aux embuscades, aux coups de mains soudains et aux camouflages discrets, est l'une des zones d'intervention privilégiée des Sarrasins. La faible densité de son peuplement, regroupé en quelques castras isolés, perchés sur les collines entourant le golfe de Saint-Tropez, rend impossible la mise en place d'une organisation collective de défense et inévitable, à chaque débarquement, l'enlèvement de paysans, bergers, enfants ou voyageurs. Emmenés captifs à Bougie, Bône, Tunis ou dans d'autres pays islamiques plus lointains, ils y sont réduits en esclavage et ne peuvent espérer être libérés que contre le paiement d'une rançon élevée. Le principal souci des parents et des amis des captifs est alors de connaître leur lieu de détention ainsi que le montant de la rançon demandée par leur maître musulman, puis de trouver un moyen de faire parvenir l'argent à destination et d'organiser le rapatriement.

Frères de la Rédemption

 Un ordre religieux dont la vocation était le rachat des captifs, les Trinitaires, était implanté en Provence depuis le début du XIIIe siècle. Pourtant ce n'est généralement à lui que les familles se sont adressées. La nécéssité de disposer d'informations sûres et de mettre au point l'opération de rachat dans les meilleures conditions d'efficacité et de rapidité, les a plutôt conduites à faire appel à des marchands marseillais, spécialisés dans le commerce entre la Provence et l'Afrique du Nord. Les archives des notaires marseillais ont gardé la trace des "contrats de rachat", actes individuels et privés, passés entre les deux parties et qui précisent les modalités de ces tractations. Certains d'entre eux concernent des chrétiens originaires de Cavalaire, Gassin, Ramatuelle, le Freinet, Le Luc, La Mole, Fréjus. Ils attestent l'intensité du péril sarrasin dans cette région et l'existence à la fin du XIVe siècle en Provence, d'une sorte d'organisation pour le rachat des captifs. C'est à l'occasion de leur débarquement que les Sarrasins se sont emparés de deux enfants de Gassin, Antonet et Guillemette Magnan. Emmenés en captivité en Barbarie, il y ont été vendus comme esclaves. Leur père Jean Magnan, est parvenu, grâce aux marchands de Marseille, à obtenir de leurs nouvelles : ils sont à Bône et leur maître réclame pour leur libération une rançon de 50 doublons. Jean Magnan passe un contrat avec deux négociants en partance pour l'Afrique du Nord, Jaume de Favas et Bertomieu Sysmondel : il leur confie une somme de 100 florins que ceux-ci s'engagent à employer au rachat des deux jeunes prisonniers et à leur retour en Provence par le premier navire. Au cas où la somme serait insuffisante, les marchands feront l'avance et le père promet de les rembourser dans le délai d'un mois après le retour de ses enfants. Certaines précautions sont prises. Que se passera-t-il si, en arrivant au lieu de captivité, les marchands apprennent qu'Antonet et Guillemette sont morts ? ou qu'ils se sont évadés ? ou encore qu'ils ont été libérés d'une autre manière ? Dans ces divers cas, leur mission sera annulée et ils devront rendre au père la somme qui leur a été confiée. Pour une raison inconnue, l'opération échoue. En effet, deux ans plus tard, les marchands font restituer les 100 florins à Jean Magnan sans pour autant que la mise en liberté ait eu lieu d'une autre façon. En mars 1401, Antonet Magnan est toujours entre les mains des Infidèles et son père fait une autre tentative pour le libérer. Dans un second contrat, où il n'est plus question de Guillemette, sur le sort de laquelle aucune information n'est donnée, Jean Magnan, demande à un autre marchand marseillais, Thomas Colombier, spécialiste des rachats de chrétiens en terre barbaresque, d'emporter avec lui 190 florins afin de payer la rançon de son fils car le maître d'Antonet s'est montré plus gourmand cette fois. Jean Magnan éprouve quelques difficultés à réunir cette somme très importante et le marchand consent à un arrangement. Il se contente dans un premier temps de recevoir 100 florins, le reste sera réglé en deux termes : 40 florins dans le mois suivant le retour et 50 florins dans l'année. De son côté, Thomas Colombier, accepte d'assumer les risques du transport de l'argent qu'il devra restituer en cas de décès du captif ou si sa libération a déjà eu lieu par d'autres moyens, ou encore si la somme est estimée insuffisante par le maître musulman. Mais une autre clause, révélatrice des aléas et de l'insécurité de la navigation méditerranéenne à cette époque, précise que lors du voyage de retour, si le navire est pris par les Sarrasins et si Antonet est de nouveau fait prisonnier, Thomas Colombier devra le racheter avec ses propres deniers. Par contre, si Antonet meurt après son rachat, son père devra solder inégralement le montant de la rançon. Les textes ne permettent pas de savoir si Antonet Magnan a pu anfin retrouver son père et son village natal. Mais le détail des précautions prises, la multiplicité des situations envisagées, les garanties réciproques, les cautions consenties par les notaires aux parties, sont la preuve de l'existence d'une organisation juridiquement et matériellement bien au point, fonctionnant de façon régulière, à la satisfaction commune des familles des captifs et des hommes d'affaires, même si toutes les opérations de rachat ne se concluent pas systématiquement par un succès.

Source : D'après un texte de Daniel Le Blevec paru dans la revue "Histoire du Freinet" N°4 Juin 1986.

* Royaume hafside : Les Hafsides sont une dynastie Amazighe qui commence par être l'alliée des Almohades. Devenant la dynastie régnante de l'Ifriqiya de 1230 à 1574, elle étend son pouvoir sur le nord-est de l'Algérie (Bougie), la Tunisie (Tunis) et une petite partie du nord-ouest de la Libye.

Cimeterre

                

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Commentaires
D
Pour etre "à la mode" doit t on demander une compensation ?
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A
Impossible de ne pas faire le parallèle : Il semble que nous soyons revenus à une époque assez semblable, si tant est que nous ne soyons jamais sortis de celle évoquée par ce beau texte ?
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C
Bonjour <br /> <br /> Voilà une page d'histoire très intéressante !<br /> <br /> Bonne journée
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G
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> Encore une page fort riche et intéressante - belle occasion pour se pencher d'un peu plus près sur cette époque "sarrazine" en Provence.<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne semaine et au plaisir de lire quelques bons articles.<br /> <br /> <br /> <br /> Très sincèrement<br /> <br /> Giselle
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M
Bonjour<br /> <br /> Un texte très interessant, heureuse de te lire<br /> <br /> bonne journée
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