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Passion Provence
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  • Bienvenue chez moi à Trans en Provence dans le Var. Je vous invite à la découverte de la Provence et du Var en particulier à travers son histoire, son patrimoine, ses traditions, ses coutumes, ses légendes, etc...
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27 octobre 2023

Regain de Jean Giono

 

Panturle

 

Je vous repasse un article que j'avais fait paraitre en 2017 et qui avait été particulièrement apprécié. J'ai rajouté à la fin un extrait du film en vidéo.

 

Note de Nadine :

 

Regain est un roman de Jean Giono paru en 1930 aux éditions Grasset.

 

Le "regain", c'est l'herbe qui repousse dans les prés, après la première fauchaison. C'est le renouveau, c'est l'espoir... Dans une des scènes, on voit Panturle revenir de la ville et déposer sur la table trois paquets. Du premier, il sort une boule de pain qu'un ami lui a donnée ; du second, il laisse couler du blé entre ses doigts ; et du troisième, tout biscornu, il tire un soc de charrue que lui a confié le père Gaubert, le vieux forgeron du village parti mourir chez son fils, Jasmin, qui habite dans la plaine.

 

Regain

 

Résumé du livre :

 

Regain raconte la mort et la résurrection d'un village de Haute-Provence : Aubignane. C'est aussi l'histoire d'un amour et des ressources de courage et d'énergie qu'un homme porte en lui sans le savoir : parce qu'il aime, un être se réveille, s'affirme et transforme tout autour de lui. Ce héros, c'est le frustre Panturle, resté seul à Aubignane avec une vieille Piémontaise veuve, Mamèche. Panturle vit de ses chasses mais s'ennuie ; Mamèche pense qu'il faut lui procurer une femme et, grâce à un stratagème, va attirer à lui Arsule, la jeune compagne d'un rémouleur, Gédémus, qui remplace l'âne pour tirer sa charrette. La présence de cette femme va transformer Panturle qui, pour la voir heureuse et qu'elle soit fière de lui, va labourer la terre aride où lèvera bientôt le plus beau blé du monde. Le village va se repeupler et renaître à une nouvelle vie...

 

Arsule-et-Gedemus-copie-1

Arsule-et-Gedemus

 

Gédémus et Arsule

 

Extrait :

 

(J'ai choisi de vous faire partager le début du livre qui parle des villages des ancêtres paternels de ma maman (Les Rambaud) : Revest-des-Brousses, Banon, Vachères, parce que c'est un passage que j'aime particulièrement).

 

"Quand le courrier de Banon passe à Vachères, c'est toujours dans les midi. On a beau partir plus tard de Manosque les jours où les pratiques font passer l'heure, quand on arrive à Vachères c'est toujours midi. Réglé comme une horloge. C'est embêtant, au fond, d'être là au même moment tous les jours.

Michel, qui conduit la patache, a essayé une fois de s'arrêter à la croisée du Revest-des-Brousses, et de "tailler une bavette" avec la Fanette Chabassut, celle qui tient le caboulot des Deux-Singes, puis de repartir tout plan pinet. Rien n'y fait. Il voulait voir ; eh bien ! il a vu ! Sitôt après le détour "d'hôpital", voilà le clocher bleu qui monte au-dessus des bois comme une fleur et, au bout d'un petit moment, voilà sa campane qui sonne l'angélus avec la voix d'une clochasse de bouc.

- Eh, c'est encore midi, dit Michel, et puis, penché sur la boîte de la patache :

- Vous entendez, là-dedans ? C'est encore midi ; il n'y a rien à faire.

Alors, que voulez-vous, on tire les paniers de dessous la banquette et on mange.

On tape à la vitre :

- Michel, tu en veux de cette bonne andouillette ?

- Et de cet oeuf ?

- Et de ce fromage ? 

- Ne te gêne pas.

Il ne faut pas faire du tort à personne. Michel ouvre le portillon et prend tout ce qu'on lui donne.

- Attendez, attendez, j'ai les mains pleines.

Il met tout ça à côté de lui, sur le siège.

- Passez-moi un peu de pain aussi. Et puis, s'il y en a un qui a une bouteille !...

Après Vachères, ça monte. Michel, alors, attache les guides à la manivelle du frein et il commence à manger, tranquillement, en laissant les chevaux aller leur train.

Ceux qui sont dans la voiture, c'est, la plupart du temps, toujours les mêmes : un acheteur de lavande qui vient des villes de la côte, un Camous, ou un nom comme ça ; un berger qui monte aux pâtures, et qui taille régulièrement dans son pain un morceau pour lui, un morceau pour son chien ; une maîtresse de ferme, toute sur son "trente-et-un" de la tête aux pieds ; et une de ces filles des champs qui sont comme des fleurs simples, avec du bleuet dans l'oeil. Quelquefois il y a, en plus, le percepteur et sa serviette assis à côté comme deux personnes raisonnables.

Le clocher de Vachères est tout bleu ; on l'a badigeonné de couleur depuis la sacristie jusqu'au petit chapeau de fer.

Ca, c'est une idée de ce monsieur du domaine de la Sylvabelle. Il n'a pas voulu en démordre.

- Puisque je vous dis que je paye la couleur, moi, toute la couleur ; et que je paye le peintre, moi ; puisque je vous dis que vous ne payez rien et que je paye tout, moi !

 - Alors, on l'a laissé faire. Ca n'est pas si vilain, et puis, ça se voit de loin...

Ceux qui voyagent dans la voiture du courrier le regardent longtemps, ce clocher bleu, tout en mâchant l'andouillette. Ils le regardent longtemps parce que c'est le dernier clocher avant d'entrer dans le bois, et que, vraiment, à partir d'ici, le pays change. 

Voilà : de Manosque à Vachères, c'est colline après colline, on monte d'un côté et on descend de l'autre, mais, chaque fois, on descend un peu moins que ce qu'on a monté. Ainsi, peu à peu, la terre vous hausse sans faire semblant. Ceux qui ont déjà fait le voyage deux ou trois fois s'en aperçoivent parce qu'à un moment donné il n'y a plus de champs de légumes, puis, parce qu'on passe sous les premiers châtaigniers, puis, parce qu'on traverse à gué des torrents d'une eau couleur d'herbe et luisante comme de l'huile, puis, parce que enfin, paraît la tige bleue du clocher de Vachères, et que, ça, c'est la borne.

On sait que la montée qui commence là, c'est la plus longue, c'est la plus dure, c'est la dernière ; et que, d'un seul élan, elle va porter les chevaux, la patache, et les gens au plein milieu du ciel, avec et les vents et les nuages. On ne descend plus de l'autre côté. On va monter, d'abord sous les bois, puis à travers une terre malade de lèpre comme une vieille chienne qui perd ses poils. Puis, on va être si haut qu'on recevra sur les épaules comme des coups d'ailes en même temps qu'on entendra le ronflement du vent-de-toujours. Enfin, on abordera le plateau, l'étendue toute rabotée par la grande varlope de ce vent ; on trottera un petit quart d'heure et, dans une molle cuvette où la terre s'est affaissée sous le poids d'un couvent et de cinquante maisons, on trouvera Banon".

 

Gaubert-et-Panturle

 

Le vieux Gaubert et Panturle.

 

Gaubert fait cadeau d'un soc de charrue tout neuf à Panturle.

 

Provence-de-Giono

 

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Commentaires
M
Quel talent ce Giono! Ce texte est aussi complètement surréaliste et parfois hilarant: on arrive à la même heure même en faisant de gros efforts pour prendre du retard (mystère...), le percepteur et sa serviette sont assis côte à côte comme deux personnes raisonnables et enfin un fada a voulu absolument peindre le clocher en bleu et au fond tout le monde en a pris son parti , trouvant même cela pas mal...Et cette dernière montée qui " d'un seul élan va porter les chevaux, la patache et les gens au plein milieu du ciel avec les vents et les nuages", n'est ce pas une image magnifique? Et ça c'est le cœur de Giono: on part vers le haut pays où souffle le vent, où tout est aride et austère mais c'est là qu'est la vraie vie, la jubilation, la liberté.Mon Dieu qu'aurait-il dit notre cher Giono en voyant tous ceux qui, le nez scotché sur l'écran de téléphone, ne voient plus rien de la beauté du monde, enfin là où on la trouve encore un peu... Merci Nadine pour ce bel extrait de" Regain" qui m'a requinquée.
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G
Merci Nadine pour ce beau partage qui fait chaud au coeur. « Regain », c’est un peu comme la Bible pour certains, un livre de chevet. Je ne m’en lasse jamais. C’est y retrouver, en effet, la vie des miens, mes racines profondes quelque part, les images du film de Pagnol certes mais aussi mille trésors insoupçonnables, qu’on apprécie toujours mieux au fil du temps et des années qui passent. Dans des moments plus difficiles, c’est se ressourcer, reprendre espoir et continuer d’avancer.<br /> <br /> Tout le roman est ponctué par le rythme des saisons, ordre immuable auquel doit se soumettre l’homme. La nature y est omniprésente, tantôt hostile, tantôt complice et bienveillante. Même si aujourd’hui la vie se concentre plus dans les villes, ne sommes-nous pas soumis toujours et encore au rythme de la nature et des saisons, ces repères qui reviennent inlassablement ?<br /> <br /> C’est également redécouvrir et apprécier le style de Giono, toute la poésie qui s’en dégage.<br /> <br /> C’est le partage, l’échange, la communication, la solidarité, en un mot toutes ces valeurs bien oubliées dans notre société individualiste, dominée par le chacun pour soi et la réussite personnelle.Créer une société plus humaine .... retrouver le bonheur dans les choses simples ..<br /> <br /> <br /> <br /> Merci encore pour cette pépite.<br /> <br /> Bon dimanche<br /> <br /> <br /> <br /> Giselle
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L
Merci beaucoup Nadine pour ce post particulièrement émouvant. Nous avons la même sensibilité, et le même amour de la terre de nos ancêtres. Et au combien nous avons besoin de ce retour aux sources quand on voit le monde fou dans lequel nous vivons aujourd'hui.... quand on voit qu'ils veulent faire disparaître les croix et tous les Saints qui nomment nos villes et villages.....mais ils ne pourront faire disparaître l'Histoire de notre pays "La France".....
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