Les gantiers-parfumeurs de Grasse
A partir du Moyen-Âge, les tanneurs s’installent à Grasse. Ils peuvent ainsi facilement commercer avec les localités de Gênes et de Pise pour exporter leurs cuirs. Mais l’odeur des peaux, malgré leur qualité, reste nauséabonde. L’engouement de la noblesse pour les gants diminue donc fortement tandis que le parfum connaît un succès éclatant. Une véritable frénésie, alors que la propreté diminue et que le parfum est utilisé pour masquer les mauvaises odeurs. Poudres et eaux parfumées embaument alors les visages et les perruques de la Cour.
La tradition du gant parfumé viendrait d’Italie. C'est le marquis Pompeo Frangipani, maréchal de France sous Louis XIII, qui aurait inventé un parfum à base d’amandes pour dissimuler la forte odeur que dégageaient ses gants en cuir ainsi que ses chaussures. C’est de cette façon que l’idée de parfumer ses gants est née… mais aussi la crème frangipane que le pâtissier de Pompeo Frangipani utilisa pour parfumer sa crème ! (Nota : il existe plusieurs théories sur l'origine de cette recette, voir les explications à la fin du texte).
Mariage de Catherine de Médicis avec Henri, duc d’Orléans célébré à Marseille le 28 octobre 1533 par le pape Clément VII - Huile sur toile vers 1627 de Francesco Bianchi Bonavita (1603-1658)
Quand Catherine de Médicis quitta l’Italie pour la France, pour se marier avec Henri II, elle n’arriva pas les mains vides. La parfumerie “Santa Maria Novella” lui fabriqua l’eau de Cologne “L’eau de la Reine”, à l’occasion de son mariage. Cette fragrance à base de bergamote, fleurs blanches et épices est toujours concoctée selon le respect de la fabrication traditionnelle. Elle emmena également avec elle son fidèle parfumeur Renato Bianco, plus connu en France sous le nom de René le Florentin qui, étant donné le statut de la Reine, a été protégé toute sa vie et a connu une très grande célébrité grâce à elle. Il installa très rapidement une jolie boutique sur le Pont Saint-Michel en plein centre de Paris, dans laquelle il vendit ses parfums ainsi que de la lingerie féminine parfumée. Il fut le premier à vendre ce type de produits en France. Rappelons qu’à la Renaissance, on évitait de prendre un bain puisque l’eau chaude ouvrait les pores de la peau et favorisait ainsi la propagation des maladies comme la peste ou le choléra. Donc, au lieu de se laver, on se parfumait avec des essences capiteuses pour masquer les odeurs nauséabondes du corps. Par ailleurs, René le Florentin aurait lancé la mode des gants parfumés et des pommes d’ambre ou pomanders (Nota : voir les explications sur les pommes d'ambre à la fin du texte).
Illustration d'un pomander pendu à la ceinture : Un pomander est une pomme de senteur, également nommée pomme d'ambre, pomander, pomandre ou pommandre est une boule en forme de pomme composée de produits odoriférants à visée prophylactique tels que l'ambre gris, la civette ou le musc. Plus tard, il devient un bijou en métal précieux ciselé, contenant les mêmes parfums que l'on portait à la pendu à la ceinture ou en pendentif.
Catherine de Médicis aimant porter des gants en cuir, elle demanda à René de les parfumer pour masquer la forte odeur du cuir. Cet accessoire connut un immense succès auprès des dames de la Cour, et tout le monde se battait pour avoir les siens, signe de haut rang social et de raffinement. La ville de Grasse, alors connue pour ses tanneries, commença à développer cette activité. La région étant propice aux cultures de plantes à parfum grâce à son climat doux, développa également l’extraction des essences, puis la parfumerie continua de se développer pour finalement arriver à son apogée au XVIIIème siècle. Mais parfumer les gants n’est pas une mince affaire et les fabricants y parvenaient par à un processus long et délicat. Après plusieurs étapes fastidieuses, Simon Barbe, un des célèbres gantiers-parfumeurs de Paris, sans doute le plus fameux de son siècle, disait obtenir "des gants qui ont l’odeur de la fleur naturelle". Il écrivit deux manuels de parfumerie, y consignant ses connaissances et son savoir-faire. L'un "le parfumeur français" en 1693 et l'autre "le parfumeur royal" en 1699.
Le parfumeur français de Simon Barbe écrit en 1693
Pour obtenir des gants qui ont l'odeur de la fleur naturelle, il faut d’abord traiter la peau et la débarrasser de son odeur très désagréable. Après de nombreux rinçages, la peau est immergée dans un bain de senteurs, c’est-à-dire une eau parfumée aux essences à la mode. Une fois cette étape passée, les gants sont taillés, cousus et teints. Intervient alors la technique de la "mise en fleurs", une étape capitale dans la tradition du gant parfumé. Elle consiste à superposer des gants avec des couches de fleurs dans une boîte fermée. Cette opération doit être renouvelée toutes les douze heures. Entre chaque mise en fleurs, les gants sont suspendus à un fil pour sécher. Ce processus dure au minimum huit jours pour atteindre le résultat escompté. Enfin, l’intérieur des gants est également poudré pour faire disparaitre toute trace de mauvaise odeur et faciliter l’enfilage. Cette nouvelle mode envahit la France et l’étranger et les fabricants se distinguent par la puissance de la fragrance utilisée. En France, les notes choisies sont plutôt douces avec une base de violette, d’iris ou encore de fleur d’oranger. En Espagne, des fragrances plus soutenues telles que le musc, l’essence de cèdre ou encore le camphre sont préférées pour parfumer les peaux.
Maîtrisant la méthode de fabrication, les gantiers-parfumeurs profitent de cet avantage pour progressivement acquérir le monopole de la distribution des parfums. Au détriment des apothicaires, distillateurs, alchimistes et droguistes, sous l’autorité de Louis XIII puis de Louis XIV. Les gantiers-parfumeurs travaillent ainsi les peaux pour en faire de véritables accessoires de luxe. En 1651, Louis XIV délivre le brevet de maîtres gantiers-parfumeurs qui autorise les fabricants à se targuer d’un titre d’honneur. La corporation des gantiers-parfumeurs voit le jour. Elle compte alors 21 membres, pour atteindre le nombre de 70 une vingtaine d’années plus tard ! Ils sont alors les seuls habilités à composer des parfums et ont pignon sur rue dès le XVIIème siècle dans le quartier Saint-Honoré à Paris.
A partir de 1759, le cuir devient extrêmement taxé et les maîtres gantiers-parfumeurs doivent affronter une nouvelle concurrence installée à Nice. Dans le même temps, se parfumer devient pour les françaises un véritable rituel de beauté : le parfum n’est plus utilisé à des fins de commodité pour camoufler les mauvaises odeurs. Dans ce contexte, les métiers de tanneurs et de parfumeurs se séparent et un véritable commerce de parfum se développe. La corporation des gantiers-parfumeurs est finalement dissoute en 1791 après la Révolution Française par la Loi Le Chapelier qui proscrit tous les groupements de métiers.
Source : D'après un texte trouvé sur le site Carrément belle (https://www.carrementbelle.com/blog/fr) et un article trouvé sur : Discovart Blog (https://discovart.fr) Secrets de beauté, Catherine de Médicis.
Complément sur la frangipane
S’il y a un consensus sur le fait que le nom de la crème vient du patronyme italien Frangipani, il existe plusieurs théories quant à l'origine de sa recette :
1/ La recette de la crème aurait été donnée par le comte Cesare Frangipani en cadeau de mariage à Catherine de Médicis, qui allait épouser le futur roi de France Henri II.
2/ Mutio Frangipani, botaniste italien qui aurait visité les Antilles en 1493, aurait appris aux marins qui l'accompagnaient que l'odeur délicieuse sentie à proximité d'Antigua provenait d'un arbuste, nommé Plumeria alba, devenu le "frangipanier". L'essence imitant cette odeur aurait aussi été renommée en son honneur.
3/ Le petit-fils de Mutio, Pompeo Frangipani, marquis et maréchal des armées de Louis XIII, aurait mis au point le parfum de la frangipane pour cacher l'odeur du cuir des gants et des souliers. L'invention de la pâtisserie lui a aussi été attribuée.
4/ Mauritius Frangipani, un moine italien pionnier de la parfumerie, aurait constaté que les principes des parfums étaient solubles dans l'esprit de vin.
Source : Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Complément sur les pommes d'ambre ou pomanders
L'histoire des pommes de d'ambre ou de senteur court du XIIème siècle au XVIIIème siècle. La première mention de pomme d'ambre, ou pomander, désigne une pépite d'ambre gris enchâssée dans une boule de senteurs. On lui prêtait des vertus curatives mais aussi aphrodisiaques. Le premier pomander est cité en 1174 dans un texte décrivant le présent offert à l'Empereur Frédéric Barberousse par le roi Baudouin de Jérusalem. Il le remerciait ainsi de son aide dans la lutte contre les infidèles. A partir du XIVème siècle, le terme de "pomander" désigne l'objet où prend place la boule odorante. Elle est constituée d'une petite cage sphérique s'ouvrant à l'équateur par une charnière et un ressort. Elle a un usage essentiellement prophylactique ou thérapeutique et est très utilisée pendant les épidémies de peste, les recettes du mélange de substances aromatiques étant adaptées en fonction du niveau de vie des utilisateurs. Elle sert également à parfumer le linge de corps qui n'est pas renouvelé régulièrement, même dans les milieux de la Cour. A la Renaissance, les pomanders deviennent des pièces d'orfèvrerie, ciselées en or, en argent ou en vermeil. Au tournant du XVIème siècle, ils s'ornent d'incrustations de perles, émaux ou pierres précieuses, grenat, rubis, topaze, émeraude ou diamant. Munis d'un pied, ils s'ouvrent en quartiers sur de petits réceptacles pouvant réunir plusieurs parfums sous forme de pâte ou de poudre. La fin du XVIIème siècle, voit leurs supposés pouvoirs ésotériques tournés en dérision. Ils ne sont plus portés que par coquetterie et leurs senteurs lourdes et entêtantes sont supposées servir l'art de la séduction. Ils passent de mode au milieu de XVIIIème siècle.
Source : Wikipédia, l'encyclopédie libre
Complément sur Simon Barbe gantier-parfumeur
Le Sieur Simon Barbe était gantier-parfumeur à Paris, sans doute le plus fameux de son siècle. Il y tenait une boutique rue des Gravilliers : A la toison d'or. Il écrivit deux manuels de parfumerie, y consignant ses connaissances et son savoir-faire. Le premier, a été écrit en 1693 à l'intention des non professionnels dans l'idée d'enseigner à tous la manière de composer les parfums, en particulier pour "Le divertissement de la Noblesse, l'utilité des personnes Religieuses & nécessaire aux Baigneurs et Perruquiers." Il contient les traités des poudres pour les cheveux et celui des savonnettes, suivis des essences et huiles parfumées aux fleurs, des pommades, des dentifrices, des eaux de toilette, des pastilles à brûler, des peaux et gants parfumés et du tabac. Il écrivit en 1699 son second traité, "Le Parfumeur Royal", destiné cette fois-ci aux gens du métier. Il présente cet ouvrage comme utile à "celles qui recueillent des fleurs et nécessaire aux gantiers, perruquiers et marchands de liqueurs".
Source : Blog "Le blog de Camille, histoires de la beauté" www.cameline.org